La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2015

Actionnariat salarié : les réformes annoncées de la loi Macron

Publié le 27 mars 2015 à 10h59    Mis à jour le 27 mars 2015 à 15h01

Alexandre Delhaye et Philippe Gosset

Le projet de loi Macron pour la croissance et l’activité propose de revoir en profondeur le dispositif d’attributions gratuites d’actions (AGA), rendu aujourd’hui inefficace par le poids des prélèvements obligatoires, et d’assouplir les conditions d’octroi des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).

Par Alexandre Delhaye, avocat associé en Corporate/Fusions & Acquisitions et Philippe Gosset, avocat spécialisé en fiscalité, intervenant en matière de fiscalité des entreprises et de groupes de sociétés, notamment dans le cadre d’opérations d’acquisition et de restructuration. Il est chargé d’enseignement dans le master 2 finance d’entreprise de l’Université Paris-Dauphine.

Si ce projet de loi était voté en l’état, ces aménagements permettraient de renforcer les politiques d’actionnariat salarié, moteurs d’une plus forte implication du personnel et donc du développement des entreprises. Ils permettraient également de redonner de l’intérêt à ces outils dans le cadre des management packages qui sont plus que jamais à la recherche d’un climat fiscal serein. De quoi ouvrir de nouvelles perspectives dans les opérations de capital-développement et de LBO.

 

Vers une réforme en profondeur des AGA

Le dispositif d’AGA, mis en place en 2005, permet aux sociétés par actions d’attribuer, dans le respect d’une procédure prévue par le Code de commerce, des actions gratuites à leurs salariés et mandataires sociaux.

En l’état du droit en vigueur, les bénéficiaires acquièrent la propriété des actions gratuites au terme d’un délai minimal de deux ans courant à compter de leur attribution (période dite «d’acquisition»), si les conditions éventuellement fixées par le plan (présence dans l’entreprise, performances, etc.) sont remplies. A l’issue de cette période d’acquisition, les bénéficiaires d’AGA doivent conserver les actions acquises gratuitement au moins deux ans avant de les céder (période dite «de conservation»), soit une durée cumulée minimum de quatre ans.

Ces conditions seraient allégées : la durée cumulée minimum des périodes d’acquisition et de conservation serait ramenée à deux ans et l’assemblée d’actionnaires pourrait ne pas imposer de période de conservation si la période d’acquisition dure déjà deux ans. Par ailleurs, l’écart entre le nombre d’actions attribuées à chaque salarié de l’entreprise, qui ne peut actuellement être supérieur à un rapport de un à cinq, serait supprimé sauf lorsque le plan porte sur plus de 15 % du capital social (ou 10 % pour les sociétés cotées).

Les régimes fiscaux et sociaux applicables seraient par ailleurs largement unifiés avec celui des actionnaires.

L’avantage résultant de l’attribution définitive des actions gratuites au terme de la période d’acquisition («gain d’acquisition») ne serait désormais plus imposable comme un salaire mais comme une plus-value de cession de valeurs mobilières.

Le gain d’acquisition réalisé par le salarié serait donc toujours soumis, lors de la cession des actions gratuites, au barème progressif de l’impôt sur le revenu mais bénéficierait désormais des abattements pour durée de détention applicables aux plus-values, courant à compter de la date d’acquisition définitive des actions. Ce mécanisme d’abattement (en droit commun, 50 % après deux ans de détention et 65 % après huit ans) constitue une véritable incitation à la détention des actions sur une longue durée, ce qui devrait contribuer à stabiliser l’actionnariat des sociétés.

Sur le plan social, le gain d’acquisition serait, en tant que plus-value, soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine lors de la cession des titres ainsi acquis. Les prélèvements sociaux seraient désormais dus au taux de 15,5 % contre 8 % actuellement et la contribution spécifique de 10 % due par les salariés (contribution salariale) serait supprimée.

La contribution spécifique due par l’employeur (contribution patronale) serait quant à elle conservée, mais son taux serait abaissé de 30 % à 20 % et elle ne deviendrait exigible qu’une fois les actions définitivement acquises (au terme donc de la période d’acquisition) et non plus à la date de leur attribution, comme c’est le cas aujourd’hui(1). Cela permet d’éviter que la contribution patronale ne soit due lorsque l’attribution des actions est décidée par l’entreprise mais que cette décision n’est pas suivie d’effet, en raison par exemple du départ du salarié durant la période d’acquisition des AGA.

Les PME n’ayant procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création seraient enfin exonérées de cette contribution, dans la limite, par bénéficiaire, d’une fois le plafond de la sécurité sociale (soit 38 040 e en 2015), ce qui devrait permettre de favoriser les PME qui ont une politique de réinvestissement plutôt que de distribution de leurs profits.

 

L’élargissement du dispositif des BSPCE

Le projet de loi Macron propose par ailleurs d’assouplir les conditions d’attribution des BSPCE, qui permettent aux start-ups et autres jeunes entreprises innovantes d’attirer des talents en leur proposant un droit d’accès aux titres de l’entreprise à des conditions sociales et fiscales attractives.

Actuellement, les BSPCE ne peuvent être attribués que par les sociétés créées depuis moins de 15 ans et qui ne sont pas issues d’opérations de restructuration.

Cette dernière condition serait aménagée : tenant compte du fait que de nombreuses jeunes entreprises s’appuient sur des transferts d’activités nouvelles, le projet de loi admettrait qu’une société créée dans le cadre d’une opération de restructuration puisse désormais émettre des BSPCE, sous réserve que toutes les sociétés ayant pris part à l’opération répondent aux conditions prévues pour bénéficier du dispositif et notamment de création depuis moins de 15 ans.

Les BSPCE pourraient par ailleurs être attribués aux salariés et dirigeants de filiales détenues à au moins 75 %, ce qui n’est pas possible dans le dispositif actuel.

A n’en pas douter, ces mesures permettront de mieux accompagner les entreprises dans leur développement et de lever quelques obstacles à la croissance et à l’innovation en France. On regrettera simplement que le régime fiscal et social des stock-options, aujourd’hui très pénalisant, n’ait pas également été aménagé par le projet de loi Macron, en raison très probablement de leur mauvaise presse.

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Au sommaire de la lettre


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

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