Alors que l’état des finances publiques en France commence enfin à soulever l’inquiétude, les signes de déclin, longtemps niés par les élites, deviennent de plus en plus manifestes, dénonce Jacques de Larosière, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, dans son dernier ouvrage. Pour l’ancien directeur général du FMI et gouverneur de la Banque de France, il existe pourtant des pistes d’économies qui permettraient à un gouvernement déterminé de remettre le pays sur la bonne voie.
La mise en avant, à l’occasion du débat budgétaire, de l’état très dégradé des finances publiques fait écho au dernier ouvrage que vous venez de rédiger, intitulé « Le Déclin français est-il réversible ? »*. Ces mauvais chiffres sont-ils de fait le signe de ce déclin ?
En 20 ans, les finances publiques sont devenues hors de contrôle. En 2000, la dette publique était de l’ordre de 60 % du PIB, pratiquement à parité avec l’Allemagne. Depuis, elle a pratiquement doublé, puisqu’elle est passée à 111 % en 2023 (contre 64 % en Allemagne) et le Covid ne peut en être tenu pour seul responsable. Notre situation est maintenant comparable à celle de l’Italie ou de l’Espagne, ce qui était inimaginable il y a encore peu de temps. Le déficit public, qui ne doit pas dépasser 3 % selon les critères de Maastricht, sera pour sa part à 6 % cette année, ce qui renchérit d’autant le service de la dette alors même que celle-ci subit depuis 2021 la remontée des taux. De ce fait, le coût du service de la dette est devenu un élément majeur du budget. Il représente 40 à 50 milliards d’euros, proche d’un grand ministère comme celui de la Défense. Nous empruntons ainsi sur le marché pour financer non pas des investissements nouveaux porteurs d’avenir, mais la dette accumulée par l’Etat et les collectivités publiques afin de financer le déficit. L’Etat considère qu’il peut emprunter sans limites, ce qui est une grave erreur. D’abord parce que quand les taux tendent à remonter, le coût budgétaire devient énorme. Ensuite parce que d’un point de vue intergénérationnel, cela revient à reporter le problème de la dette sur les jeunes.