Pour Patrick Artus, conseiller économique senior chez Ossiam, la hausse des droits de douane imposée par Donald Trump risque de se retourner contre les Etats-Unis eux-mêmes, surtout si ses motivations relèvent d’un changement plus profond de leur approche économique.
Comment jugez-vous la crise provoquée depuis début avril par les hausses des droits de douane imposées par Donald Trump, que ses différents revirements n’ont fait qu’accentuer ?
Il est pour l’instant difficile de savoir exactement quelles sont les motivations réelles de Donald Trump. Trois explications sont possibles : les Etats-Unis peuvent se servir des droits de douane soit pour obtenir des concessions par ailleurs – ouverture de marchés, moindre réglementation du numérique, achats supplémentaires de produits agricoles ou d’énergie… – soit pour protéger leurs entreprises et se réindustrialiser, soit enfin pour accroître les recettes budgétaires afin de financer une baisse d’impôts additionnelle. Donald Trump a en effet proposé, pendant la campagne électorale, de reconduire son programme de réduction d’impôts de 2017, le Tax Cuts and Jobs Act (TCJA), qui coûte 480 milliards de dollars par an, et de baisser ou de supprimer toutes sortes d’autres impôts et taxes (sur les pourboires, les locaux, les heures supplémentaires…), soit 640 milliards de dollars par an. Il lui faudrait donc au total 1 100 milliards, un montant qui correspond à une hausse de plus de 25 % des droits de douane sur l’ensemble des pays.
Mais ses intentions profondes sont d’autant plus compliquées à décrypter que ses conseillers affichent des avis très différents. Pour Stephen Miran, le responsable de son Conseil économique, la hausse des droits de douane vise à déprécier le dollar et à réduire son rôle de monnaie de réserve. En revanche, pour Scott Bessent, son secrétaire au Trésor, ils constituent plutôt un outil de négociation pour l’ouverture des marchés, tandis que pour Peter...