Crise énergétique, flambée inflationniste, remontée accélérée des taux, bourses ultra-volatiles... En l’espace de quelques mois, le contexte financier s’est métamorphosé sous la dramatique pression du conflit ukrainien, poussant les assureurs et leurs partenaires asset managers à revoir en profondeur des stratégies d’investissement calées plus d’une décennie durant sur la baisse historique des rendements monétaires et obligataires et sur une courbe des prix atone. En cette fin 2022, alors que le secteur reste soumis à des normes de solvabilité en décalage avec l’évolution du contexte financier, les questions sont multiples : quelles sont les options de gestion à privilégier pour consolider les actifs généraux des compagnies ? Faut-il résolument changer de braquet et miser sur une remontée durable de l’obligataire ? Quelles marges de diversification doit-on creuser en priorité ? L’ISR est-il porteur de changement structurel ? Réunis plus de deux heures durant pour échanger leurs regards d’experts sur cette conjoncture brûlante et mouvante, les participants de la table ronde d’Option Finance sont parvenus à dégager un tableau d’ensemble d’où au moins une certitude émerge : le champ des possibles de la gestion assurantielle reste largement ouvert !
- Peut-on considérer que la remontée des taux dégage de nouvelles marges de manœuvre pour la gestion des actifs généraux des compagnies dans le cadre normatif de Solvabilité 2 ?
- La situation reste délicate avec la flambée inflationniste d’un côté, la volatilité boursière de l’autre. Quelles sont, dans ce contexte, les options que vous privilégiez en matière d’obligations pour la gestion des actifs généraux de vos clients afin de
- Peut-on parler de krach obligataire et doit-on craindre des répliques ?
- Concernant la partie diversifiée en actions ou en immobilier des actifs généraux, quelle est votre stratégie ?
- Quel est votre positionnement en matière d’ISR ?
- Et quid du non-coté ?
- Poussé par les assureurs en période de taux bas, l’investissement en unités de compte pourrait-il être freiné par la remontée des taux ? Et quelles gammes d’UC vous semblent les plus appropriées pour générer de la performance au long cours ?
- Concernant plus particulièrement le PER (plan d’épargne retraite), son horizon de long terme induit-il des demandes spécifiques de la part de vos clients ?
- En conclusion, l’horizon de la gestion assurantielle vous semble-t-il plus dégagé, sous l’impact de la remontée des taux ?
- Quatre sociétés de gestion en pointe sur les valeurs durables
Avec (de gauche à droite) :
•Gaëlle Malléjac, directrice des gestions assurances et solutions ALM (asset and liability management), Ostrum AM
•Charles Moussier, head of insurance client solutions at Invesco – EMEA (Europe Middle East & Africa)
•Hamid Louaheb, responsable investissements assurantiels groupe, Groupama AM
•Alain Guélennoc, président du directoire, Federal Finance Gestion
Peut-on considérer que la remontée des taux dégage de nouvelles marges de manœuvre pour la gestion des actifs généraux des compagnies dans le cadre normatif de Solvabilité 2 ?
Hamid Louaheb, responsable investissements assurantiels groupe chez Groupama AM : Incontestablement, la remontée des taux génère de belles opportunités en termes de gestion. Elle permet de revisiter le couple rendement-risque des portefeuilles et ce à plus d’un titre. On peut par exemple, en matière de risque crédit, arbitrer des expositions, le plus souvent anciennes, achetées il y a dix ans ou plus, et les remplacer par des actifs offrant des rémunérations similaires voire supérieures. Cela permet d’améliorer la rentabilité globale du portefeuille tout en contribuant à le mettre en phase avec nos convictions financières et aussi extra-financières. Dans la même veine, il est désormais plus évident de positionner les portefeuilles en fonction de points ou de segments de courbe optimaux en termes de rendement-risque : l’aplatissement des pentes de courbes sur les taux swaps entre 2 et 15 ans, par exemple, nous amène à réduire les durations sur le segment crédit. Globalement, c’est toute l’approche de gestion qui évolue avec à la clef plus de dynamisme et donc plus de turnover dans les portefeuilles.
Charles Moussier, head of insurance client solutions at Invesco – EMEA : Nous sommes incontestablement face à un grand changement qui se traduit notamment par un net regain d’intérêt des assureurs pour les OAT et les Bunds. Ce basculement des conditions de marché remet également en cause le processus de revoyure de Solvabilité 2, la prise en compte de taux négatifs n’ayant plus vraiment de raison d’être aujourd’hui. Ceci étant dit, même si les assureurs retrouvent de la latitude en termes de marge de solvabilité, ils font également face à davantage de volatilité et à une dévalorisation des actifs qui n’est pas sans effet sur les objectifs d’équilibres globaux à respecter et à maintenir.
Alain Guélennoc, président du directoire de Federal Finance Gestion : La remontée des taux reste certes délicate du point de vue des moins-values latentes obligataires qu’elle génère, mais elle redonne toutefois une belle bouffée d’oxygène aux assureurs pour améliorer leur ratio de solvabilité et réduire l’écart de duration entre leur actif et leur passif. Elle va notamment leur permettre de moins diluer le rendement des portefeuilles et d’améliorer leur liquidité.
Gaëlle Malléjac, directrice des gestions assurances et solutions ALM chez Ostrum AM : Pour résumer, on peut dire que la hausse des taux fait apparaître une nouvelle hiérarchie des actifs et rouvre ainsi le champ des possibles. Elle permet de réorienter les flux d’investissement vers les actifs obligataires redevenus attractifs et réactive une palette plus large d’allocations.
«Je suis convaincue de la force de frappe que conservent les assureurs, via la gestion de leurs actifs généraux, pour renforcer le caractère durable et responsable de leurs investissements au diapason de leurs propres engagements en matière de RSE»
La situation reste délicate avec la flambée inflationniste d’un côté, la volatilité boursière de l’autre. Quelles sont, dans ce contexte, les options que vous privilégiez en matière d’obligations pour la gestion des actifs généraux de vos clients afin de
Gaëlle Malléjac : Rappelons au préalable qu’il n’y a pas une seule allocation cible, mais des allocations en fonction des bilans des clients. Ceci étant posé, d’un point de vue général, les conditions actuelles de marché nous permettent d’orienter les flux vers les différentes classes d’actifs obligataires et surtout de repondérer les portefeuilles vers les dettes souveraines et notamment vers les dettes de pays « core », ainsi que vers des agences ou obligations sécurisées. S’agissant des obligations indexées inflation, nous soutenons les allocations, en particulier pour les portefeuilles dont les passifs sont eux-mêmes exposés à l’inflation. Enfin, sur le crédit, nous renforçons les obligations corporate et financières de meilleure qualité et sur des durations de l’ordre de 5-7 ans en moyenne.
Hamid Louaheb : A l’heure actuelle et en perspective d’une probable dégradation conjoncturelle, l’orientation de nos investissements obligataires s’appuie sur deux mots-clés : sélectivité et résilience.
Dans le même temps, nous saisissons les opportunités offertes par l’écartement massif des primes de risque : par exemple, en ce sens, nous estimons judicieux d’investir dans le secteur bancaire qui nous apparaît bien mieux armé pour faire face aux chocs financiers tout en offrant aujourd’hui des niveaux de rendement parfois équivalents à ceux prévalant en 2008, de l’ordre de 4,5 %-5 % sur des maturités de 7 à 10 ans. Nous nous repositionnons également sur des obligations dites « sécurisées », c’est-à-dire, pour faire simple, garanties par du foncier. Ce type d’emprunts présentait un écart de rendement de l’ordre de 15 points de base avec un emprunt d’Etat de même maturité début 2022, contre une cinquantaine actuellement. Enfin, une autre catégorie de dettes nous apparaît faire sens dans le contexte actuel : celles relevant des produits structurés, permettant de monétiser les volatilités dans les phases de fort stress avec toutefois un prérequis : être capable de les monitorer et de les valoriser.
Alain Guélennoc : La hausse des taux nous permet de renforcer la qualité de nos portefeuilles et d’en rééquilibrer la répartition sectorielle en réduisant, par exemple, notre exposition aux foncières.
Côté maturité, nous ciblons des durations intermédiaires de 4-7 ans pour les crédits, la durée optimale se situant actuellement aux alentours de cinq ans. Par ailleurs, concernant la partie dettes privées non cotées de nos portefeuilles (représentant environ 11 % de l’actif général), nous sommes dans une optique non plus de développement mais plutôt de stabilisation de cette poche à taux variable. Elle a ses vertus, mais pâtit également d’un manque de liquidité qui nous pousse à la limiter.
Charles Moussier : Ayant une approche davantage tournée vers le passif que l’actif, je dirais qu’aujourd’hui, si je devais bâtir mon propre fonds en euros, j’y mettrais en priorité de l’obligataire gouvernemental de maturité longue. Je regarderais également, comme vient de le suggérer Hamid, du côté du secteur bancaire et financier en matière de corporate. En revanche, d’une façon plus globale, concernant le crédit, je privilégierais plutôt des maturités courtes, de trois ans maximum. Quant au rendement distribué par les obligations indexées sur l’inflation, il est impacté par un coût de couverture de l’inflation qui peut sembler trop élevé par rapport aux rendements attractifs des obligations de très bonne qualité à court terme.
Peut-on parler de krach obligataire et doit-on craindre des répliques ?
Gaëlle Malléjac : Bien sûr que l’on peut parler de krach obligataire et il a eu lieu, dans une amplitude supérieure à celle enregistrée en 1994 ! En septembre, sur un an, les obligations 7-10 ans de la zone euro affichaient une performance de – 20 %. C’est historique ! Je ne pense pas qu’il y aura de nouveau un choc d’une telle violence. Même si nous anticipons, au cours des prochains mois, une poursuite de la hausse des taux, celle-ci devrait être mesurée.
Hamid Louaheb : Je rejoins tout à fait l’analyse de Gaëlle, nous pouvons sans hésitation parler de krach obligataire. Pour le quantifier, rappelons que la baisse maximum subie sur un an par l’indice obligataire Bloomberg Global Treasuries US en 2022 a été de – 22 % contre – 7 % en 1994, année où le taux souverain US à 10 ans a dépassé les 8 %. Mais il est surtout intéressant de se demander pourquoi la question se pose encore. En termes de régulation, les taux étant considérés comme l’actif sans risque, les dévalorisations n’ont pas entraîné de réajustement forcé et douloureux de portefeuilles. C’est particulièrement vrai pour l’assurance vie où la remontée des taux améliore la marge de solvabilité des acteurs ayant des actifs de plus courte duration que celles des passifs. La configuration est inverse au Royaume-Uni, où, suite à la dévalorisation de leurs expositions obligataires, les fonds de pension ont dû ajuster leur montant de collatéral.
En prospectif, je reste convaincu que nous ne reviendrons pas au monde d’avant. Avec les forts besoins d’investissements liés au financement des transitions et à l’indépendance stratégique, estimés pour les années à venir à environ 3 % du PIB européen, la demande d’épargne devrait peser sur le niveau des taux d’intérêt. Dans ce contexte, il me paraît indispensable d’avoir des échéanciers lissés dans le temps avec une répartition des maturités obligataires afin de faire face à d’éventuels rachats de la part des assurés et de pouvoir réinvestir sur des rendements potentiellement attractifs dans le futur.
Alain Guélennoc : J’ai connu le krach de 1994 qui n’avait en effet rien de comparable avec celui de ces derniers mois. Cependant, même si l’on peut considérer que la déflagration est derrière nous, je ne suis pas totalement serein et reste en alerte, notamment sur la partie crédits privés du marché, du fait de la détérioration potentielle de la solvabilité de certaines entreprises émettrices, confrontées à un durcissement de l’accès aux liquidités bancaires. Plusieurs exemples le prouvent (Orpea, Pierre & Vacances…), le créancier obligataire peut se retrouver le « dindon de la farce » dans le cadre de certaines restructurations et la prudence reste de mise avec l’augmentation du risque crédit. On va devoir plus que jamais trier le bon grain de l’ivraie pour éviter que la qualité des portefeuilles ne se dégrade.
Charles Moussier : Je partage le constat d’un krach obligataire dont les conséquences ont été amoindries dans le domaine de l’assurance vie du fait notamment de la relative stabilité de placements des assurés en fonds en euros consécutive à l’action des réseaux. Comme énoncé précédemment, je reste toutefois prudent sur le crédit où je privilégie une position relativement court terme.
«Nous ne reviendrons pas au monde d’avant. Avec les forts besoins d’investissements liés au financement des transitions et à l’indépendance stratégique, la demande d’épargne devrait peser sur le niveau des taux d’intérêt. »
Concernant la partie diversifiée en actions ou en immobilier des actifs généraux, quelle est votre stratégie ?
Charles Moussier : La question de la couverture reste bien compliquée dans les conditions de marché que nous connaissons ; pourtant, il convient de travailler la diversification des portefeuilles en fonction de l’évaluation du risque sous-jacent que présente chacun des actifs constitutifs de nos allocations. D’une façon générale, je suis plutôt partisan d’une exposition réduite en actions compte tenu de la volatilité et de l’incertitude boursière. En revanche, l’investissement en actifs réels, immobilier et infrastructures reste tout à fait d’actualité dans un contexte inflationniste. Chez Invesco, nous gérons quelque 80 milliards de dollars d’immobilier à travers des fonds régionaux de grande envergure, pesant plusieurs milliards de dollars. Cette spécificité constitue un avantage concurrentiel que nous confortons par une offre de produits d’investissement en phase avec notre stratégie de diversification articulée autour de trois axes : géographique, sectoriel et sur la structure du capital des transactions.
Gaëlle Malléjac : Nos positions, hors champ obligataire, sont très prudentes car nous estimons que la volatilité des places boursières va perdurer et attendons d’avoir davantage de visibilité pour éventuellement redéployer la poche equity de nos portefeuilles. Toutefois, ayant beaucoup travaillé sur la nouvelle norme comptable IFRS 9 pour certains de nos clients, nous avons, toutes proportions gardées, une dimension « dividende » un peu plus marquée dans certaines allocations actions. Quant à l’immobilier, nous ne le gérons pas directement, nous nous appuyons dans ce domaine sur l’affilié spécialisé de Natixis IM.
Hamid Louaheb : Les actions retrouvent de l’attractivité pour les assureurs dans une perspective de long terme. En effet, une réforme récente de la directive Solvabilité 2 prévoit un coût en capital réduit à 22 % contre 39 % pour les actions en général, si celles-ci sont détenues, entre autres conditions, sur longue période, avec une durée minimale fixée à cinq ans. En complète cohérence avec cette évolution réglementaire, nous privilégions une stratégie d’investissement qui nous permet de déployer nos convictions financières et extra-financières au travers d’un process de long terme : nos choix de valeurs se concentrent actuellement sur des sociétés portées par des tendances de fond, liées aux transitions écologiques, démographiques et numériques. Nous ciblons par ailleurs des valorisations raisonnables dans ce nouveau paradigme inflationniste, un objectif de volatilité moindre que celle du marché et une distribution de revenus stables et récurrents.
Alain Guélennoc : Nous sommes peu exposés en actions – environ 5 % de notre portefeuille – et nous avons une position plutôt défensive qui s’appuie sur une gestion de nature indicielle, sans biais sectoriel, facilement « couvrable » et suffisamment liquide. Nous ne faisons pas de stock-picking et même si l’on peut juger que les niveaux de valorisation actuels restent faibles, nous demeurons extrêmement prudents compte tenu du contexte de taux que nous venons d’évoquer. A noter par ailleurs, nous avons récemment bénéficié de l’arrivée à échéance de produits structurés émis en 2012-2013 que nous renouvelons, actuellement, dans de bonnes conditions de marché.
«La hausse des taux nous permet de renforcer la qualité de nos portefeuilles et d’en rééquilibrer la répartitionsectorielle en réduisant, par exemple, notre exposition aux foncières. »
Quel est votre positionnement en matière d’ISR ?
Charles Moussier : Nous répondons avant tout à la demande de nos clients. Les assureurs ayant clairement exprimé leurs besoins sur le risque climatique – un domaine, c’est appréciable, où l’on peut s’appuyer sur des données concrètes – nous avons développé une expertise en ce sens. Par ailleurs, tout en offrant également toutes les réponses voulues en matière de notation ISR, nous cherchons à faire davantage d’impact investing afin de sélectionner en priorité des valeurs et des secteurs porteurs de projets ou de programmes qui non seulement respectent mais contribuent activement à la préservation de l’environnement et au progrès social.
Gaëlle Malléjac : Il convient de distinguer ce que l’on fait en tant qu’asset manager, de ce que l’on met en œuvre pour accompagner nos clients. Concernant ses propres process ESG, Ostrum AM a développé une politique qui s’appuie sur trois piliers : l’évaluation (intégration de l’analyse extra-financière quantitative et qualitative) ; l’engagement (dialogue avec les entreprises en tant qu’actionnaire mais aussi créancier) et enfin l’exclusion (exclusion normative et politiques sectorielles).
Par ailleurs, foncièrement convaincus de l’importance du rôle que doit jouer le secteur privé dans le financement de la transition énergétique, nous avons pris le parti d’aller au-delà du seul prisme de la neutralité carbone en déployant une nouvelle stratégie obligataire sur ce front. Qualifiée de « transition juste », elle vise à investir dans des obligations durables ciblant un triple objectif : la réduction de l’empreinte carbone, la promotion de l’impact social et la préservation des écosystèmes et économies locales.
En matière d’accompagnement sur ces sujets ESG, nous faisons face depuis quelque temps à une accélération de la demande des assureurs, et notre objectif est de trouver le moyen de prolonger leur engagement par des investissements en adéquation avec leurs objectifs environnementaux et sociétaux. Nous développons pour ce faire une démarche en quatre dimensions qui induit : une réflexion sur la méthodologie mise en œuvre (quels sont les critères extra-financiers à prendre en compte, quelles obligations découlent des articles 8 et 9, quelle politique climat, etc.) ; un diagnostic ESG des portefeuilles qui permet de mieux cibler les objectifs à atteindre ; la mise en œuvre de ces objectifs dans la gestion des portefeuilles, et enfin un reporting régulier sur le suivi de ces indicateurs et objectifs.
Hamid Louaheb : Chez Groupama Asset Management, le débat de l’ISR est en quelque sorte derrière nous puisque nos processus de sélections de valeurs intègrent complètement l’extra-financier et privilégient, comme je l’ai évoqué précédemment pour les actions, des investissements synonymes de durabilité, en prise avec les enjeux de transition énergétique et démographique, offrant des gouvernances adéquates. Nous en sommes convaincus : ces positionnements sont vecteurs de performances financières. Pour accompagner concrètement nos clients sur cette voie, nous avons par exemple étoffé notre offre d’un fonds de dettes privées à impact social, favorisant l’accès à l’emploi et à la réduction des inégalités.
Plus généralement, nous profitons de l’alignement des planètes entre d’un côté une offre qui intègre systématiquement le financier et l’extra-financier dans les process d’investissements et de l’autre, une demande forte, des institutionnels comme des épargnants, en matière d’extra-financier. En phase avec cette tendance, les fonds que propose Groupama dans le cadre de l’épargne salariale – et plus spécifiquement l’offre de PER collectifs – sont labellisés ISR actuellement à hauteur de 90 %. Cette quote-part grimpera à 100 % en 2023.
Alain Guélennoc : Notre assureur vie a fait de l’ESG un enjeu majeur et Federal Finance Gestion se donne les moyens de cette ambition comme en témoigne le renforcement de notre équipe d’analystes extra-financiers qui compte désormais sept experts, contre trois il y a trois ans. Nous procédons donc à une notation de chaque émetteur et excluons les 20 % de « plus mauvais élèves ». Depuis cette année, nous nous sommes dotés de nouveaux outils de mesure permanente afin notamment d’évaluer et de suivre la trajectoire climat des portefeuilles ainsi que leur empreinte carbone, avec des objectifs de décarbonation modulables selon les acteurs et les secteurs. Il faut bien admettre que ces nouveaux paramètres sont d’une manipulation délicate et complexe. Ils alourdissent nos process d’investissement, mais sont désormais bien ancrés et leur utilisation va s’intensifier dans les prochaines années. Nous avons également une politique d’engagement, via le vote systématique aux AG, et certaines actions spécifiques. J’ajouterai que nous sommes très engagés dans la biodiversité et que nous préparons le lancement d’un fonds en ce sens. Nous n’investissons que dans des fonds labellisés respectant au minimum l’article 8 et si possible l’article 9.
Et quid du non-coté ?
Charles Moussier : Nous travaillons sur ce front en architecture ouverte. Nous nous appuyons sur des partenariats afin de construire des offres sur mesure pour nos clients assureurs tentés par cette poche de diversification. On constate toutefois une appétence qui se réduit pour ce type d’investissements au niveau des fonds généraux. En revanche, la demande est plus forte du côté des supports en unités de compte. Comparée à d’autres pays d’Europe, la France est d’ailleurs très avance sur ce front : les UC permettent en effet d’investir dans des classes d’actifs sur lesquelles l’assureur ne peut – ou ne veut – plus trop miser dans le cadre de son actif général mais qu’il n’hésite pas à promouvoir à travers ses offres de contrats multisupports.
Gaëlle Malléjac : Je confirme, sur ces sujets nos clients sont plutôt en position d’attente.
Alain Guélennoc : Chez nous, côté actifs généraux, la gestion de la poche private equity est déléguée. C’est une partie relativement stable de notre fonds en euros. En revanche, elle est appelée à monter en puissance dans le cadre des offres d’UC de l’assureur et de ses distributeurs. Je suis prudent, dans le contexte actuel, sur cette classe d’actifs. Certaines stratégies d’investissement en private equity ont été conçues dans un contexte de taux et une conjoncture macroéconomique sensiblement différents de ce qui prévaut aujourd’hui. Ce problème de timing pourrait favoriser des réajustements des valorisations.
«L’investissement en actifs réels, immobilier et infrastructures reste tout à fait d’actualité dans un contexte inflationniste. »
Poussé par les assureurs en période de taux bas, l’investissement en unités de compte pourrait-il être freiné par la remontée des taux ? Et quelles gammes d’UC vous semblent les plus appropriées pour générer de la performance au long cours ?
Charles Moussier : Il faut peut-être en effet penser à changer de mentalité et revenir davantage sur les actifs généraux. Mais ce renversement de tendance s’annonce délicat compte tenu de la faiblesse des rendements servis actuellement sur les fonds en euros déjà souscrits par les épargnants. On doit réfléchir à des produits de substitution du côté des fonds de placement.
Gaëlle Malléjac : Nous constatons une appétence inédite pour les UC obligataires. C’est une tendance nouvelle, l’obligataire étant jusqu’à récemment encore réservé aux seuls actifs généraux des compagnies.
Alain Guélennoc : Notre groupe fait partie des acteurs qui ont résolument fait le choix de promouvoir des mandats de gestion dans le cadre de ses contrats multisupports avec à la clé un véritable succès commercial et un constat : la grande majorité des assurés opte pour des mandats prudents. Ceux-ci comportent selon les cas de 50 % à 70 % de fonds en euros sachant que le solde restant est investi essentiellement en actions. Cette dernière partie induit une prise de risque plus élevée qui exige un renforcement du devoir de conseil au sein des réseaux, surtout dans le contexte actuel.
Globalement, toutefois, ces mandats génèrent davantage de rentabilité pour le groupe et ils devraient s’ouvrir encore davantage au non-coté dans les prochaines années. Le krach obligataire que nous venons de connaître, associé à la chute des marchés, change toutefois un peu la donne. Certes, il est difficile à l’heure où l’on se parle de quantifier précisément l’impact de ce nouveau contexte. On constate toutefois un ralentissement de la collecte d’UC depuis le mois d’août et je pense qu’en effet le fonds en euros pourrait retrouver du lustre et susciter de nouveau de l’attractivité commerciale.
Hamid Louaheb : Les offres de gestion mandatée me paraissent présenter trois avantages : la réactivité aux différents régimes de marché, l’adaptabilité aux profils des épargnants avec par exemple la désensibilisation progressive de certains risques au fur et à mesure que l’on approche de la retraite et bien sûr la diversification. Ces atouts demeurent tout à fait convaincants dans le contexte de marché volatil que nous connaissons.
Concernant plus particulièrement le PER (plan d’épargne retraite), son horizon de long terme induit-il des demandes spécifiques de la part de vos clients ?
Charles Moussier : Le PER ouvre en effet de belles perspectives de gestion sur des horizons de 10 ans, 20 ans ou plus et permet à l’assureur d’aller sur des terrains de diversification plus étendus que ceux associés à l’actif général d’un contrat d’assurance vie. Au fil de l’eau, on peut par exemple faire davantage de private equity.
Toutefois la question de la robustesse et de l’équilibre des portefeuilles retraite dans le temps reste essentielle et appelle des modèles prospectifs de gestion complexe mixant liquidités, obligataires, actions, immobilier, infrastructures et private equity dans des proportions toujours délicates à ajuster au long cours.
Alain Guélennoc : Le PER a la vertu d’encourager les versements réguliers qui comme on le sait permettent de lisser les grands mouvements de marché dans le temps, donc la prise de risque. Concernant plus particulièrement les UC proposées, nous privilégions des offres labellisées ISR, intégrant une forte dimension extra-financière, mais également des gestions ouvertes sur les actions, l’immobilier, etc. Et ce que nous vendons prioritairement, c’est de la gestion déléguée sous forme de mandats synonymes de tranquillité pour l’épargnant.
Hamid Louaheb : La dimension long terme du PER appelle plus que jamais une gestion visant les trois objectifs centraux que nous avons énoncés tout à l’heure, à savoir la résilience, la durabilité et la récurrence des revenus financiers.
En conclusion, l’horizon de la gestion assurantielle vous semble-t-il plus dégagé, sous l’impact de la remontée des taux ?
Charles Moussier : La réponse est composite car deux plans se juxtaposent. Dans l’immédiat, la situation reste délicate pour le fonds en euros car la hausse brutale des taux peut en effet inciter les épargnants à sortir de contrats devenus trop peu rémunérateurs pour se repositionner sur des PER ou des livrets bancaires aux rendements plus attractifs. A plus long terme en revanche, la remontée des taux combinée aux investissements à impact dans les unités de compte peut faire du fonds en euros un vecteur de gestion synonyme de rentabilité durable et de responsabilité sociétale.
Gaëlle Malléjac : On ne peut nier qu’il y a actuellement un risque concurrentiel sur le stock d’assurance vie en euros détenu par les assurés et cela appelle des simulations sur le comportement des portefeuilles et un certain nombre de modélisations pour anticiper les éventuelles conséquences de rachats massifs. Toutefois je ne pense pas que ces mouvements auront lieu, l’assurance vie restant un placement privilégié avant tout pour ses qualités patrimoniales et successorales. Je suis par ailleurs également convaincue de la force de frappe que conservent les assureurs, via la gestion de leurs actifs généraux, pour renforcer le caractère durable et responsable de leurs investissements au diapason de leurs propres engagements en matière de RSE.
Alain Guélennoc : Si elle se confirme, la remontée du livret A aux alentours de 3 % en février prochain fera paraître bien pâle la rémunération annuelle moyenne servie sur les fonds en euros au titre de 2022. Un passage difficile s’annonce pour les réseaux commerciaux au premier semestre 2023. Toutefois, l’assurance vie garde de nombreux avantages et les montants susceptibles d’être investis en épargne bancaire sont plafonnés. Nous sommes convaincus de la relative stabilité du comportement des assurés qui sont bien accompagnés dans leurs arbitrages par leurs conseillers. Même si la question d’un stock de contrats peu rémunérateurs se pose, je reste donc foncièrement positif quant aux effets pour les années à venir des belles opportunités que dessine la remontée des taux pour la gestion assurantielle.
Hamid Louaheb : Je partage pleinement cet optimisme. Qu’il s’agisse de l’évolution des comportements d’épargne, des enjeux climatiques et sociétaux, de l’environnement plus incertain, de la volatilité des marchés ou encore des évolutions réglementaires, la gestion assurantielle se doit d’accompagner ces mutations profondes et, au-delà, de les transformer en opportunités en s’appuyant sur son dynamisme et sa capacité d’innovation.
Quatre sociétés de gestion en pointe sur les valeurs durables
Federal Finance Gestion, l’expertise multipôle
Société de gestion du groupe Crédit Mutuel Arkéa, affiliée à Arkéa Investment Services (68 milliards d’euros d’encours gérés ou conseillé au 30 juin 2022), Federal Finance Gestion travaille depuis plus de quarante ans au service des épargnants et des investisseurs dans une démarche de proximité et d’indépendance. Reconnue pour sa gestion ESG et ses solutions d’investissement, Federal Finance Gestion, qui pesait fin juin 42 milliards d’euros d’encours sous gestion, s’appuie aujourd’hui sur une équipe d’une cinquantaine de collaborateurs, répartie autour de quatre pôles d’expertise :
– un pôle « mandat » destiné à répondre aux exigences des clients institutionnels à travers un certain nombre de services et d’offres financières dédiés (gestion sous mandat sur mesure et services associés, fonds monétaires, obligataires et mixtes, etc.) ;
– un pôle « multigestion & gestion pilotée », centré sur l’allocation et la sélection de fonds ;
– un pôle « cross-asset solutions » regroupant toutes les solutions innovantes de gestion quantitative et de gestion actions ;
–un pôle « sélection de fonds & multigestion de fonds non cotés. »
L’ensemble des équipes bénéficie par ailleurs des apports et de la vision « 360° » du pôle « analyse et recherche », qui, concentré sur l’analyse financière et extra-financière des émetteurs, enrichit en permanence le savoir-faire de chacun des experts de Federal Finance Gestion.
Groupama AM, l’engagement mutualiste
Filiale du groupe Groupama, l’un des premiers groupes d’assurance en France, Groupama Asset Management qui gérait 98,8 milliards d’euros d’actifs au 30 juin 2022 figure dans le top 10 des sociétés de gestion d’actifs françaises. Groupama AM permet à sa clientèle d’investisseurs – particuliers et professionnels – de bénéficier d’une gestion responsable multi-expertises, à la fois durable, et résolument active, s’appuyant sur une forte capacité de recherche.
Créée en 2011, l’équipe « investissements assurantiels », composée de cinq gérants, est quant à elle en charge de la gestion des mandats des entités du groupe Groupama, ce qui représentait fin 2021 un encours d’environ 60 milliards d’euros. Présente sur toutes les classes d’actifs (taux, crédit, actions, etc.), cette entité travaille sur trois axes : l’approche long terme, l’assurance de revenus financiers récurrents et la maximisation en valeur de marché des actifs confiés. Ses solutions assurantielles visent un triple objectif : la dynamisation des rendements obligataires des portefeuilles, la réduction de la « consommation » SCR (solvency capital requirement) et la sécurisation des plus-values latentes.
Invesco, la force internationale
Figurant aujourd’hui parmi les gestionnaires d’actifs les plus importants et les plus diversifiés au monde avec 1 300 milliards d’euros sous gestion et 8 000 professionnels répartis dans 26 pays au 31 octobre 2022, Invesco a fait des solutions financières à forte valeur ajoutée son cœur de métier. Cette société indépendante mobilise toutes ses ressources mondiales pour améliorer en permanence la qualité de ses process et choix d’allocations d’actifs au profit de ses clients institutionnels (compagnies d’assurances, caisses de retraite, etc.) et « wholesale » (banques privées, family offices, gérants…). Présente à travers treize centres de gestion, Invesco s’appuie sur ses expertises et ancrages locaux pour proposer une large gamme de solutions d’investissement en gestion active, passive et alternative. L’engagement d’Invesco en faveur de l’investissement environnemental, social et de gouvernance est par ailleurs un élément clé de son ambition stratégique et son équipe ESG mondiale dédiée agit en ce sens comme un centre d’excellence. Installée en France depuis 1988, Invesco décline l’ensemble de ses savoir-faire en solutions adaptées aux investisseurs français et s’appuie sur une structure à taille humaine (une trentaine de personnes) pour consolider le lien de proximité tissé au fil du temps avec ses clients et distributeurs.
Ostrum AM, la gestion au service de la protection sociale
Ostrum Asset Management, affilié de Natixis Investment Managers, a pour mission de prolonger les engagements de ses clients par l’investissement et de contribuer, à leurs côtés, à assurer les projets de vie, la santé et la retraite des citoyens européens. Figurant parmi les leaders européens1 de la gestion institutionnelle, Ostrum AM accompagne ses clients opérant avec des contraintes de passif, en leur proposant une offre duale : la gestion d’actifs, avec son expertise reconnue en gestion assurantielle (actions et obligations) et obligataire, et la prestation de services dédiés à l’investissement, avec une plateforme technologique de pointe.
Acteur impliqué de longue date dans l’investissement responsable2, Ostrum AM gère 374 milliards d’euros d’encours3 pour le compte de grands clients institutionnels (assureurs, fonds de pension, mutuelles, entreprises) et administre 513 milliards d’euros d’encours3 pour le compte d’investisseurs professionnels, opérant dans le monde entier et sur tous types d’actifs.
1. IPE Top 500 Asset Managers (Investment & Pensions Europe) 2022 a classé Ostrum AM au 11e rang des plus importants gestionnaires d’actifs au 31/12/2021. Les références à un classement ne préjugent pas des résultats futurs de la société de gestion.
2. Ostrum AM est une des premières sociétés de gestion françaises signataires des PRI en 2008.
3. Source : Ostrum Asset Management, données consolidées à fin septembre 2022. Les encours administrés incluent les encours d’Ostrum AM. Les prestations de services pour un client donné peuvent porter sur certains services uniquement.