Parole d’expert - Frédéric Salomon, responsable de la gestion crédit, Schelcher Prince Gestion

« Il faut attendre que les risques extrêmes s’estompent pour vraiment revenir sur le high yield »

Publié le 4 avril 2022 à 8h13

Schelcher Prince Gestion    Temps de lecture 5 minutes

Après un écartement rapide des spreads au début du conflit, les valorisations sont récemment remontées sur le marché de la detteà haut rendement. Pour Frédéric Salomon, responsable de la gestion crédit de Schelcher Prince Gestion, la prudence reste toutefois de mise.

Comment le marché des obligations high yield a-t-il réagi au déclenchement de la guerre en Ukraine ?

Le conflit a remis en cause les scénarios macroéconomiques élaborés pour 2022. Alors que les valorisations sur le marché du crédit étaient déjà impactées par la remontée des taux, la guerre a provoqué un nouvel écartement des spreads, jusqu’à 470 points de base pour le high yield européen. En effet, elle entraîne une hausse des prix des matières premières, notamment énergétiques, ce qui va peser sur l’activité. L’Europe, très dépendante des importations de gaz russe, est en première ligne. Mi-mars, cependant, les valorisations ont rebondi. Ce mouvement a été porté par l’espoir de voir s’ouvrir des négociations entre la Russie et l’Ukraine.

Pour l’instant, la vision du marché semble être la suivante : les soutiens budgétaires et l’assouplissement des restrictions liées au Covid-19 compensent en partie les dommages économiques découlant du conflit en Ukraine et de la hausse des prix des matières premières en particulier. De telle sorte que les prévisions de taux de défaut du high yield en Europe n’augmenteront que très légèrement. Aussi, les niveaux de spread actuels – qui reflètent un taux de défaut futur des émetteurs d’environ 4 % – compensent largement le risque. Si ce scénario optimiste s’avère exact, 470 pb correspondent dès lors à un niveau trop important, qui laisse de la place à un resserrement de spreads.

Adhérez-vous à ce scénario optimiste ?

Nous sommes assez réservés sur ce mouvement. Nous pensons que le marché est allé trop vite en se projetant sur une fin rapide du conflit et un impact mesuré sur la croissance européenne. Nous pensons que les relations entre l’Occident et la Russie sont durablement altérées. Les tensions sur les matières premières vont continuer d’alimenter la hausse des prix. Nous ne pouvons pas non plus exclure un dérapage du marché des hydrocarbures : qu’il vienne d’un embargo contre le gaz russe ou de la destruction d’un gazoduc, ce dérapage aurait des conséquences douloureuses pour l’économie du continent. Les entreprises auraient de plus en plus de difficultés à répercuter la hausse de prix des inputs et verraient leurs marges baisser. Même si aujourd’hui, leurs bilans sont sains, ils pourraient rapidement se dégrader. Enfin, les marges de manœuvre des banques centrales pour soutenir le marché sont désormais réduites : la hausse des prix les force à accélérer leur normalisation monétaire pour ancrer les anticipations d’inflation. Sans aller jusqu’à la récession, un scénario de stagflation en Europe ne nous semble pas impossible. C’est pourquoi nous avons peu participé aux mouvements de marché récents. Il faut, selon nous, attendre que les risques extrêmes s’estompent pour vraiment revenir sur la classe d’actifs.

Comment se comportent les investisseurs ?

La hausse des taux et l’écartement des spreads ont permis aux rendements offerts par le high yield de repasser au-delà de leur médiane sur 10 ans, soit environ 4,75 % en Europe. En termes de flux, toutefois, on constate deux mouvements opposés. Le premier est défavorable à la classe d’actifs : beaucoup d’investisseurs n’étaient présents sur le marché du high yield que parce qu’ils cherchaient des rendements positifs que ne leur offrait plus le crédit investment grade. Avec la remontée des taux, ce dernier est repassé en territoire positif et ces investisseurs se sont faits plus rares sur le haut rendement. Mais dans le même temps, l’arrêt des émissions primaires conduit les gérants high yield à placer leurs liquidités excédentaires sur les marchés secondaires, ce qui constitue un facteur de soutien.

Quels secteurs ou zones géographiques privilégier dans ce contexte ?

Le secteur de l’énergie et des matières premières est évidemment porteur. Même si le secteur bancaire présente un caractère systémique, les valorisations des obligations subordonnées LT2 ou AT1 sont très attractives. La prudence pousse à surpondérer les actifs américains mais les actifs européens sont mieux positionnés en termes de valorisation. De notre côté, nous cherchons à diversifier le risque en ciblant, de manière très sélective, des émetteurs émergents moins sensibles au conflit et portés par la hausse des cours de matières premières. L’Amérique latine est une zone intéressante à explorer.

Avez-vous des actifs russes ou ukrainiens en portefeuille ?

Un seul de nos fonds, Schelcher IVO Glogal Yield 2024, partiellement investi dans les pays émergents, avait des actifs ukrainiens mais nous avons réduit nos positions. Nos autres fonds crédit, Schelcher Flexible Short Duration ou Schelcher Global High Yield, n’ont pas été concernés. 

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