2014 : quels vœux voulez-vous ?

Publié le 10 janvier 2014 à 12h32    Mis à jour le 30 avril 2014 à 18h14

Jean-Paul Betbèze

Bien sûr, vous voulez que la Fed réussisse son opération de réduction graduelle de ses achats de bons du trésor et de papier hypothécaire sans faire trop monter les taux longs et sans affecter la bourse. Vous avez raison. Mais il lui faudra de la diplomatie, car les marchés attendent de connaître d’un côté le règlement du plafond de la dette publique et, plus encore, le rythme de croissance en 2014, compte tenu des réductions de dépense publique. Leurs calculs vont donc être : à partir de la dynamique de la croissance privée, en soustrayant les effets de la montée des taux longs et de la modulation de la dépense publique, quand est-ce que le taux de chômage va atteindre 6,5 %, zone de déclenchement de la montée des taux Fed funds et vrai début de ma «normalisation» ?

Pour piloter tous ces calculs sans trop de chocs, il faudra beaucoup de forward guidance. Bien sûr, vous voulez que la Chine organise sa mutation et aille vers une économie plus tournée vers la demande interne. Vous souhaitez aussi que le yuan s’apprécie et s’internationalise, de façon à sortir du face-à-face dollar euro, où les pays émergents soutiennent l’euro, de façon à ne pas se trouver face au seul dollar. Mais mettez-vous dans la tête du président chinois : toutes ces mesures vont ralentir sa croissance, en même temps qu’il découvre des montagnes de dettes faites par les régions et les municipalités pour soutenir l’activité, édifices publics ici, maisons vides là. Il demande d’arrêter, de faire occuper les maisons vides, de bien vérifier la solidité des banques, d’éclairer le shadow banking. Mais il aura alors moins de croissance : occuper des maisons n’est plus les bâtir.

Alors : une croissance vers 6 % dans trois ans ? Faut-il le lui souhaiter ? Bien sûr, vous voulez que la BCE soutienne encore l’activité et permette notamment aux banques de financer leurs PME. Vous avez raison. Vous vous inquiétez d’un risque de désinflation en zone euro qui conduirait à ouvrir la trappe à la liquidité. Vous voulez donc un fonds spécial créé par la BCE pour financer les banques qui financent les PME. Mais vous savez aussi que l’examen des banques espagnoles et italiennes doit être passé de manière satisfaisante. Vous regardez les trésors d’idées qui se déploient ici ou là pour trouver des ressources… mais point trop n’en faudra, si l’on veut convaincre les marchés. Surtout, vous savez bien que la Buba est vent debout contre cette logique. Elle voudrait une remontée des taux, plus de serrage des déficits publics, pas de fonds PME.

Pour le moment, avec le principe «une banque centrale une voix», elle est noyée dans le groupe. Le vrai souhait est qu’elle continue d’accepter ce sort. Bien sûr, vous voulez que la reprise se renforce en France, avec plus d’investissement et d’emploi privé, moins de dépense publique, le tout dans un pacte social avec les entreprises et dans un pacte républicain avec les fonctionnaires.

En attendant, l’investissement est à la traîne parce que la profitabilité est à la traîne. Jusqu’à quand ? Il faudra bien dire un jour que la baisse des taux courts est faite pour les PME et que les taux longs français sont en train de remonter, avec le mieux (relatif) que vivent nos voisins. La période de taux bas est derrière nous, ce qui conduit à agir enfin sur la dépense publique. C’est d’ailleurs le seul moyen pour calmer les marchés financiers qui comparent une Espagne qui va mieux, ayant souffert, à une France qui tergiverse. Mais c’est le profit qui fera la vraie différence. Le vœu est donc qu’on le veuille.

Jean-Paul Betbèze Professeur émérite à l’université Panthéon Assas

Jean-Paul Betbèze, économiste, diplômé d’HEC, docteur d’Etat agrégé de sciences économiques. Il a commencé sa carrière dans l’enseignement en tant que professeur d’université, notamment à Paris II-Panthéon Assas à partir de 1987. Entré en 1986 comme directeur d’études au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), il rejoint trois ans plus tard le Crédit Lyonnais comme directeur des études économiques et financières, puis en 1995, comme directeur de la stratégie. En 2003, il est promu conseiller du président et du directeur général de Crédit Agricole, puis directeur des études économiques et chef économiste. Il a crée sa propre structure de conseil en 2013. Membre du Cercle des économistes.

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