Une analyse de Jean-François Boulier
Allocations d’actifs en vue de la retraite : comment allier sécurité et flexibilité
Les provisions placées en vue de la retraite représentent la majeure partie des actifs financiers des marchés développés. Pourtant, les questions d’adéquation des produits demeurent un sujet très ouvert, de futurs retraités redoutant notamment de voir leur épargne enfermée dans un produit, doté de garanties certes, mais peu ou pas flexible. Trois chercheurs de l’Edhec viennent de publier une étude visant à démontrer s’il existe d’autres allocations permettant de mieux répondre aux aspirations de revenus et de flexibilité exprimées par de nombreux individus.
Les provisions pour pensions et l’épargne en vue de la retraite représentent la majeure partie des actifs financiers des marchés développés. La baisse des taux et les évolutions démographiques vont encore accentuer leur poids. Pourtant, les questions d’adéquation des produits, particulièrement d’actualité en France, et d’allocations d’actifs correspondant à ces produits, demeurent un sujet encore très ouvert. Les rentes appréciées dans certains marchés, comme en Grande-Bretagne, inquiètent d’autres marchés où les futurs retraités craignent notamment de voir leur épargne enfermée dans un produit, doté de garanties certes, mais peu ou pas flexible. Existe-t-il toutefois des allocations permettant de mieux répondre aux aspirations de revenus et de flexibilité exprimées par de nombreux individus ? Dans leur article «Flexicure Retirement Solutions : A Part of the Answer to the Pension Crisis ?» paru en août 2019, trois chercheurs de l’Edhec (Lionel Martellini, Vincent Milhau et John Mulvey) montrent que l’investissement par objectif permet d’offrir des solutions alliant davantage ces objectifs apparemment contradictoires.
Un portefeuille nommé «rentes pour la retraite»
Le trio se concentre sur l’allocation d’actifs et la détermine dans un cadre «d’investissement par objectifs» qui serait, selon les intéressés, la démarche équivalente à la gestion actif/passif d’un investisseur institutionnel. L’objectif premier réside, d’après eux, dans la fourniture de flux réguliers minimaux nécessaires au futur retraité, le risque étant la non-atteinte de ces flux et non pas la volatilité à court terme du portefeuille. Le premier élément constitutif de l’allocation est alors un portefeuille obligataire qui minimise ce risque, et ce portefeuille ne représente évidemment pas du cash. Les auteurs montrent également qu’un portefeuille obligataire classique ne répond pas non plus à la question. Ils proposent alors une méthode pour construire un tel portefeuille, qu’ils proposent d’appeler «retirement bond» (ce qui pourrait être traduit en «rentes pour la retraite»).
Lionel Martellini, Vincent Milhau et John Mulvey illustrent leur propos en simulant les performances de portefeuilles diversifiés classiques, composés d’obligations et d’actions, ou de nouveaux portefeuilles dans lesquels la part obligataire est investie précisément dans ces «retirement bonds». Cette part en «retirement bonds» permet le versement d’un revenu minimal et leur part complémentaire en actions permet d’espérer d’augmenter significativement ce revenu. Sur la période allant de 1998 à 2018, et sur la base de données américaines, la probabilité de satisfaire les attentes de revenu minimum est quasiment de 100 % et celle de faire 30 % de mieux de l’ordre de 70 à 80 %. Le risque de longévité est ensuite assuré par une rente différée dont le coût est beaucoup plus faible que la rente classique. Ces travaux montrent combien la prise en compte de l’objectif financier est importante pour allouer les actifs d’un portefeuille. Ils «challengent» la vision «court termiste» de la volatilité comme mesure pertinente du risque.
Pourtant, ces méthodes ne peuvent tout résoudre ! Comment générer ces flux futurs avec des obligations à taux quasi nuls ? Le besoin de rendement modifie évidemment l’allocation… La période retenue pour les simulations est particulièrement propice aux obligations. Que se passera-t-il si les taux venaient à remonter ? Par ailleurs, le marché des rentes différées n’est pas ou peu développé.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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