Démondialisation, délocalisation : où en sommes-nous ?
Après des décennies de pressions désinflationnistes induites par la mondialisation, l’inflation fait son grand retour. En Europe, la majeure partie de la hausse des prix résulte de plusieurs chocs simultanés sur l’offre. Après la pandémie, et l’arrêt de la production qui en a découlé, des goulets d’étranglement ont limité l’offre disponible, tant au niveau de la production, qu’au niveau du transport maritime dont le coût et les délais ont explosé. Ces difficultés d’approvisionnement pour les entreprises, les réflexions sur la nécessité de restaurer une capacité industrielle locale ainsi que la dépendance énergétique poussent les entreprises et les pays européens à sortir du dogme ricardien et à relocaliser la production des biens. Même si cette « démondialisation » des biens n’est que très partielle et graduelle, voire symbolique, elle signe l’arrêt des pressions déflationnistes. En revanche, la délocalisation des services pourrait connaître un essor sans précédent. Le télétravail partiel est devenu la norme dans de nombreuses entreprises. Beaucoup de salariés peuvent s’évader des zones à forte tension immobilière pour vivre là où le coût de la vie est plus raisonnable. Les employeurs pourraient tirer avantage de cette situation en limitant les hausses salariales, réduisant ainsi leurs coûts et potentiellement les prix. Cette délocalisation pourrait aussi dépasser les frontières dans les années qui viennent et mettre une pression supplémentaire à la baisse des prix sur certains services. Il sera important alors de juger l’impact net sur les prix entre l’effet inflationniste de la démondialisation de la production de biens et l’effet déflationniste de la délocalisation de certains services.
Arnaud-Guilhem Lamy est responsable des stratégies obligataires euro aggregate au sein de BNP Paribas Asset Management.
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