Point de vue
Faut-il avoir peur des prix de transfert ?
Par Olivier Goldstein, avocat associé
En vertu des dispositions de l’article 57 du Code général des impôts, traduisant en droit français les principes de l’OCDE, les groupes internationaux doivent pratiquer entre les sociétés qui les composent, des prix de pleine concurrence.
A défaut pour les entreprises d’un même groupe de pratiquer des prix de pleine concurrence entre elles, c’est-à-dire des prix équivalents à ceux qu’elles pratiqueraient (ou qu’elles pratiquent) auprès d’entreprises tierces, l’administration fiscale est fondée à réintégrer aux résultats taxables en France les bénéfices qu’elle considère comme indûment transférés à l’étranger « par voie de majoration ou diminution des prix d’achat ou de vente » ou « par tout autre moyen » (symétriquement, les administrations étrangères s’assurent que le niveau de marge dans leur pays respecte ce même principe).
Les groupes dont l’une des entités réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxes, ou dont le montant total de l’actif brut excède 400 millions d’euros, sont à ce titre soumis à des obligations documentaires significatives.
Une jurisprudence longtemps favorable aux entreprises : en soumettant l’administration fiscale à des contraintes importantes en matière de preuve, la démonstration du caractère comparable des transactions sur lesquelles elle se fondait, s’avérait particulièrement difficile en pratique au regard notamment des différences de marchés, de stratégie, de taille d’entreprise, etc. (par exemple : CAA Versailles 8 juillet 2014, Sté Carrefour).
L’évolution ces dernières années s’est avérée beaucoup moins favorable : en acceptant la remise en cause quasi systématique des méthodes classiques de détermination des prix de transfert (en général fondées sur la marge brute), pour y substituer celle de la marge nette (« TNMM »), considérée comme moins sensible aux facteurs de comparabilité des transactions, le Conseil d’Etat est désormais beaucoup moins exigeant vis-à-vis de l’administration (CE 6 juin 2018, SCS General Electric Medical Systems) et opère, d’une certaine manière, un renversement de la charge de la preuve (il appartient désormais aux groupes de démontrer la pertinence de leur méthode de prix de transfert).
Une décision plus récente est cependant venue rééquilibrer le rapport de force entre groupes et administration fiscale : le Conseil d’Etat, dans une décision Sté RKS (CE 4 octobre 2021) a mis en exergue la nécessité d’une analyse fonctionnelle précise de la part de l’administration, laquelle ne peut se contenter d’une distinction simpliste, et souvent utilisée en pratique, entre les fonctions dites « d’entrepreneur principal » et celles dites « routinières » pour en déduire le niveau de marge taxable en France.
Cette évolution s’avère satisfaisante, au moment où la saisine du Parquet national financier sur des questions de prix de transfert devient par ailleurs un nouveau facteur d’inquiétude pour les groupes internationaux.
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