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Gestion active: le travail paye
Il apparaît que les gestionnaires d'actifs travaillant plus que leurs collègues, notamment le week-end, affichent des performances supérieures à la moyenne.
Le débat entre amateurs de fonds indiciels et de gestion active n'est pas nouveau et ne cessera pas de si tôt. A quoi bon essayer de battre le marché, peut être, diront les premiers quand on peut le suivre, ou presque, sans effort et sans grand coût ? Les gestionnaires actifs rétorquent que les tenants de gestion passive sont des passagers clandestins qui ne payent pas le prix de l'évaluation financière, car les prix ne sauraient s'établir qu'à partir des choix délibérés qu'ils font entre les titres. Mais est ce que les gérants actifs ne seraient pas juste des spéculateurs, les chanceux pouvant prétendre avoir du talent ( quand ils battent les indices ) et les autres finissant par disparaître ( quand ils n'y parviennent pas ) ? Est ce que le travail des gérants actifs a quelque chose à voir avec la performance ou n'est ce qu'affaire de hasard ?
Dans leur article récent "(Not) Everybody’s Working for the Weekend: A Study of Mutual Fund Manager Effort" deux chercheurs américains s'intéressent à l'attention consacrée ( et donc au travail effectif ) par les gérants actifs à la gestion de leurs fonds et ses liens avec les performances passées et futures du fonds. Pour ce faire, ils utilisent les informations relatives à leurs connections à la base de la SEC dénommée EDGAR ( alimentée notamment en données financières par les entreprises américaines ) et particulièrement le week end...autrement dit, ils tentent de mesurer le surcroît de travail des gérants actifs et son lien avec les performances de leurs fonds. Leur étude s'étend sur une période de 2010 à 2017 et porte sur 115 familles de fonds de gestion active en actions américaines, au total sur plus de 600 fonds ; les chercheurs indiquent que cela correspond à plus de la moitié des familles de fonds américains investis en actions et environ les trois quarts des actifs sous gestions des fonds actions US.
Des résultats plutôt convaincants
Leurs résultats sont plutôt convaincants. D'abord, lorsque la performance des fonds n'a pas été bonne, elle incite les gérants à travailler plus le week end. Ensuite ce supplément de travail se traduit par un ajout moyen de performance d'environ 2% annuel, qui se réalise en moyenne un an après. En outre les deux effets, occurrence du surcroît de travail et sur performances ultérieures sont plus marqués quand l'étude se concentre sur les plus petits fonds, les moins diversifiés et ceux dont les gérants reçoivent des commissions de sur performance. En particulier, les gérants les plus incités à la sur performance parviennent à battre les indices en moyenne d'environ 6%. Ainsi, l'effort paye, du moins en utilisant EDGAR, et il advient effectivement quand les performances passées ne sont pas satisfaisantes. CQFD
Le chercheur a voulu vérifier que l'effet était persistant en considérant une autre variable indépendante de la première. En observant la météo des week ends sur les lieux où résident les gérants ( à supposer qu'ils ne soient pas éloignés de leur bureau ) il a pu constater que les journées maussades tendaient à produire de meilleures performances ex post. Ce n'est donc pas uniquement la qualité des informations obtenues sur la base EDGAR qui conditionne le résultat, mais bien le temps effectivement passé à travailler, ce que les gérants ont sans doute plus tendance à faire quand il ne fait pas beau. L'étude n'apporte pas en revanche d'indication sur la qualité du travail, sur le talent des gérants puisqu'elle ne mesure que l'attention potentiellement portée hors des périodes usuelles de travail hebdomadaire.
Qu'il y ait un lien entre activité et performance est dans l'ordre des choses. Que les fonds potentiellement les plus risqués, les plus onéreux en commissions de gestion, soient aussi ceux dont les gérants sont les plus impliqués est également rassurant. L'approche comportementale en finance, si riche en résultats, trouve avec cet article une intéressante perspective. Il n'est jamais inutile de contrôler que les choses normales se passent normalement !
(Not) Everybody’s Working for the Weekend: A Study of Mutual Fund Manager Effort
Boone Bowles and Richard B. Evans, HF Conference, Paris Dauphine Janvier 2024
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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