La BCE va-t-elle surprendre ?
Les pressions inflationnistes s’intensifient en zone euro. Aux tensions sur les prix des matières premières induites par la guerre en Ukraine viendront s’ajouter l’impact des contraintes sur l’offre dues à la politique de confinement en Chine. Fin 2022, on estime que la hausse des prix sur un an sera supérieure à celle des Etats-Unis (environ 6 %). Invoquer la dissipation des effets de base sur les matières premières, attendue au printemps 2023, ne suffit plus à justifier l’inaction. Car la probabilité de voir les hausses de prix se diffuser, soit dans les chaînes de valeur, soit dans les salaires, augmente fortement avec leur persistance.
L’Allemagne et l’Italie seront au bord de la récession technique aux deuxième et troisième trimestres. En temps normal, cela aurait été suffisant pour que la Banque Centrale Européenne (BCE) adopte une posture accommodante. Mais l’affaiblissement de la conjoncture européenne ne suffira pas à contenir la hausse des prix. Il y a désormais un consensus au sein de la BCE pour abandonner la politique de taux négatifs. Alors pourquoi attendre ? Conditionner les premières hausses de taux à la fin du programme d’achat de titres peut s’avérer contre-productif. La Fed s’apprête à monter ses taux vigoureusement en mai et juin, possiblement de 100•points de base en deux fois. Sans action de la BCE, l’euro pourrait se déprécier davantage, ce qui exacerberait les pressions inflationnistes.
Il reste à la BCE à trouver la bonne façon de communiquer un changement de stratégie. Il lui faut trouver un moyen pour dissocier un programme d’achat de titres visant à éviter un accroissement de la fragmentation financière des opérations de politique monétaire visant à ancrer les anticipations d’inflation. Les avantages d’une action précoce l’emporteraient sur les inconvénients.
Didier Borowski est responsable de la recherche sur les politiques macroéconomiques au sein de l’Amundi Investment Institute. Auparavant, il a exercé plusieurs fonctions : responsable de la stratégie Taux et Changes, co responsable de l’équipe de Stratégie et Recherche économique, responsable de la macroéconomie puis plus récemment responsable global views. Avant de rejoindre Amundi, il était économiste et stratégiste senior de Société Générale Asset Management (2000-2009). Didier Borowski a commencé sa carrière au sein de la Direction de la Prévision du Ministère de l’économie et des finances. Il a également exercé les fonctions d’expert auprès de la Commission européenne. Didier Borowski est Docteur ès sciences économiques. Il a été Professeur associé à l’Université Paris Nord (2007-2011) puis a enseigné plusieurs années à l’université Paris-Dauphine.
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