La BCE veut relancer le crédit dans la zone euro
Le 23 octobre, la Banque centrale européenne a lancé la première pierre des tests évaluant la solidité des 130 plus grandes banques européennes, dont les résultats seront dévoilés en octobre 2014. L’enjeu est de taille, car c’est de la vigueur de la reprise dont il s’agit. Des baisses marquées de la «fragmentation financière» et de l’incertitude économique et politique libéreraient le crédit et l’investissement et feraient reculer le chômage en Europe. Heureusement, la BCE, l’institution la plus crédible de la zone euro, ne prend pas sa nouvelle responsabilité de superviseur à la légère. Dans sa communication, elle délivre une promesse de transparence et de rigueur. Le président Draghi déclare que l’exercice sera crédible et que certains établissements ne réussiront pas les tests et devront se recapitaliser.
S’il est mené à bien, l’exercice que conduit la BCE aidera indéniablement. Avant cela, les responsables européens doivent se mettre d’accord sur des mécanismes de résolution des banques et de pare-feux crédibles. Après, pour espérer régler complètement la fragmentation financière, il faudra établir une union bancaire pleine et entière où les règles, droits et devoirs seraient les mêmes pour toutes les banques, les créanciers et les déposants. La route sera longue, il ne faut pas perdre de temps. La zone euro est sortie de récession, mais la reprise se fait sans crédit, en particulier dans les pays du Sud de l’Europe. Elle est donc molle, non dynamisée par l’investissement, et pas suffisante pour faire reculer le chômage.
Dans les pays solides comme l’Allemagne, le frein semble être l’incertitude qui conduit à une faiblesse de la demande via le report des décisions d’investissement. A l’opposé, dans les pays du Sud, les coûts de refi nancement des banques sont élevés et il en est de même pour les taux d’intérêt que les clients finaux paient. Cette situation débouche sur une «fragmentation» des marchés du crédit en zone euro. La BCE pratique une même politique monétaire dans tous les pays et propose à toutes les banques un unique taux de refinancement à court terme à 0,5 %. Malgré cela, les conditions du crédit sont très hétérogènes selon les pays.
Les taux d’intérêt auxquels se refinancent les PME sur des maturités courtes (1 an) sont de l’ordre de 2,1 % en France, 2,8 % en Allemagne, 4,5 % en Italie et 5 % en Espagne. Face à cette situation, la BCE a décidé de se focaliser sur l’évaluation des principales banques de la zone euro. Avant de devenir le superviseur de celles-ci en novembre 2014 en lieu et place des régulateurs nationaux, la BCE suit une démarche que les autorités américaines avaient réalisée en mars 2009 et qui avait porté ses fruits. Le crédit est bel et bien reparti aux Etats-Unis quelques trimestres plus tard. Selon nos calculs, une baisse de l’incertitude économique conjuguée à une réduction de la fragmentation financière pourrait booster le PIB de près de 2 points en Espagne et en Italie. Probablement de quoi faire baisser le chômage à partir de 2015-2016. La BCE examinera tout – liquidité, actifs, capital – et publiera les résultats de façon transparente.
Si des établissements ne passent pas les tests et que la mise à contribution des actionnaires et créanciers juniors ne suffit pas pour retrouver des niveaux de capital adéquats, alors les pouvoirs publics devront intervenir. Il est impératif que la zone euro conçoive un système de mutualisation, de recapitalisation directe où la zone, et non les Etats nationaux, serait mise à contribution. Un tel système peut très bien ne jamais être utilisé, mais de par son existence, il constitue le bon pare-feu à la propagation de la crise. Il y a là un enjeu à relever en 2014. Au-delà, pour annihiler la fragmentation fi nancière et percevoir tous les gains de la confiance, le salut passe sûrement par la réalisation d’une union bancaire complète.
A savoir non seulement une autorité de supervision commune, ce que sera la BCE en novembre 2014, mais aussi des mécanismes communs qui permettent de «résoudre» les banques (Single Resolution Mechanism) et de les recapitaliser directement. Bref, d’adopter les mêmes règles partout en zone euro (banques, actionnaires, créanciers, déposants) et de mutualiser les risques à l’échelon de la zone euro. Des avancées notables ont été réalisées, mais la finalisation de ce grand projet prendra probablement encore de nombreux mois, voire des années.
Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking
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