La fin des illusions ?
A l’heure des bilans, la performance des hegde funds aura déçu encore en 2013, alors que la gestion classique affichera un nouveau bon cru. Est-ce là pour durer ? Quelle allocation accorder à la gestion non conventionnelle pour le futur ? Lorsque les entreprises retrouvent leur souffle après ces longues années de crise, il paraît logique que les actifs financiers qu’elles émettent traduisent cette meilleure santé, peut-être avec une anticipation et une certaine amplification. Les placements traditionnels ont donc pleinement bénéficié de cette embellie graduelle, et les investisseurs qui ont pu et su regarder l’avenir correctement ont ainsi profité de valeurs parfois décotées.
Pourquoi couvrir le risque ? Les encours des hedge funds ont pourtant poursuivi leur progression nettement au-dessus de 2 000 milliards de dollars. Les faillites, malversations et procès de quelques-uns, parfois parmi les plus connus, ont entamé la notoriété et terni l’image de cette part substantielle de l’industrie de la gestion, vers laquelle les institutionnels continuent pourtant de se tourner, notamment aux Etats-Unis. La régulation plus précise et plus prégnante n’a pas découragé plusieurs nouveaux venus de se lancer dans l’aventure.
Force est de constater que la grande partie des hedge funds n’a toutefois pas réussi à tirer parti des circonstances de marché de ces dernières années, avec, il est vrai, des exceptions. Moins d’activité de comptes propres de la part des banques, une plus grande transparence des marchés et une quête universelle de simplicité de la part des acteurs de marché ont peut-être joué contre des stratégies qui avaient bénéficié de vents favorables (prix et volatilité excessifs des actifs risqués, opacité de certains segments de produits).
Le rôle pionnier de certains des acteurs, dans le private equity (ou peut-être, devrions-nous dire, private financing), demeurera irremplaçable. La possibilité d’avoir un recours très extensif mais, espérons-le, mieux encadré, à des techniques complexes ou des produits sophistiqués peut sans doute avoir sa part d’utilité. Mais l’illusion de pouvoir apporter de la valeur par la seule alchimie du gérant est bel et bien derrière nous. Ce sont les entreprises et les économies qui créent durablement et à leur rythme de la valeur, et c’est aux gérants de capter pour leurs mandants cette valeur au travers de l’imparfaite mais efficace intermédiation des marchés. Ce bien public devra, maintenant que le masque est tombé, être défendu contre des activités déstabilisatrices ou prédatrices, comme le trend following et le trading à haute fréquence.
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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