Le pousse-au-crime

Publié le 1 avril 2016 à 17h17    Mis à jour le 7 avril 2016 à 10h37

Thierry Million

La Banque centrale européenne a surpris les marchés par sa décision d’acheter des obligations émises par les sociétés non bancaires de la zone euro. Selon les premières approximations, elle pourrait en acquérir 50 milliards d’euros par an, sur un marché de titres éligibles de 1 000 milliards d’euros.

Cette annonce a bien évidemment provoqué une compression significative des spreads de crédit CDS de la catégorie investissement de plus de 0,92 % à 0,72 %. Les opérateurs de marchés ont anticipé, d’une part, la raréfaction des titres crédit corporate provoquée par la demande de la BCE et, d’autre part, l’amélioration supposée de la qualité intrinsèque des émetteurs grâce à la diminution de leur coût de financement. La BCE va concentrer ses achats sur les émissions les plus liquides tant sur le marché secondaire que sur le marché primaire, afin de remplir son quota mensuel. En tenant compte d’une estimation de 50 milliards d’euros de transactions mensuelles de titres «Investment Grade» non bancaires en euros, l’Eurosystem va prendre la place des intervenants habituels à hauteur d’environ 10 % du volume négocié.

Même s’ils sont exclus du programme de la BCE, les titres strictement de catégorie «haut rendement» (notations inférieures à BBB-) se sont également appréciés substantiellement par un rétrécissement des spreads de 3,80 % à 3,10 %. De fait, la Banque centrale, par un effet de substitution, voire d’éviction, encourage les investisseurs à un rebalancement de leurs portefeuilles vers des actifs toujours plus spéculatifs et dont la liquidité transactionnelle va décroissante. Cette réduction des primes de risque s’accompagne d’une décrue de la volatilité, augmentant le leurre de la sécurité.

Ainsi, ces facteurs techniques puissants poussent à la mise en place des stratégies les plus risquées possibles dans un environnement où la probabilité d’une dégradation inattendue des fondamentaux n’a absolument pas disparu et n’est plus rémunérée.

Thierry Million Directeur de la gestion obligataire ,  Allianz Global Investors France

Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.

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