Les banques centrales sous-estiment le risque inflationniste
Les banques centrales rappellent régulièrement qu’il n’y a pas lieu de trop s’inquiéter du risque inflationniste, tant que les anticipations d’inflation restent « ancrées ». En effet, elles considèrent que les anticipations d’inflation de « long terme », observées notamment dans les enquêtes auprès des ménages, sont le principal déterminant de l’inflation. Si bien que si les anticipations d’inflation sont stables, alors il n’y a pas de spirale inflationniste et toute hausse des prix est forcément « transitoire ».
Cependant, cette doxa doit être sérieusement questionnée. D’abord, ce rôle des anticipations d’inflation dans la formation des prix est peut-être séduisant sur le plan théorique, mais il est critiquable : les agents économiques sont-ils aussi « rationnels » dans leurs décisions ? Ce raisonnement est également contesté empiriquement : quel est le « vrai » sens de la causalité entre l’inflation et les anticipations d’inflation ?
Si jamais l’influence des anticipations d’inflation dans la formation des prix est surestimée, cela signifie alors que l’impact d’autres variables est sous-estimé, en particulier l’influence du marché du travail. Sachant qu’aux Etats-Unis certains indicateurs signalent une tension sur le marché du travail inégalée depuis les années 1960, période que nous considérons la plus comparable avec la situation actuelle, la Fed méjuge alors le risque inflationniste. La courbe de Phillips, qui établit un lien entre chômage et inflation, pourrait renaître de ses cendres !
Christophe Morel est chef économiste de Groupama Asset Management
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