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Les social bonds sont-ils plus chers que les autres ?
Le segment obligataire des social bonds, qui financent des projets à vocation sociale, dans la santé notamment, est en expansion. Mais les investisseurs ne sont pas prêts à accepter pour ces titres une rémunération moindre que celle des obligations classiques. L’absence de cadre pour ce type d’émissions pourrait expliquer en partie ce manque d’attrait.
La demande pour les titres obligataires finançant des projets responsables ne cesse de croître. Les green bonds ont été les premiers à trouver leur marché auprès des investisseurs, et les émetteurs qui souhaitaient financer des activités correspondant à la préservation de la planète et bons pour le climat ont pu les financer spécifiquement, souvent à de meilleures conditions qu’avec les obligations traditionnelles. Le premier social bond, d’un montant de 1 milliard de dollars, a quant à lui été émis plus tard, en 2006, par l’International Financial Facility for Immunisation. Depuis la crise sanitaire, ce segment est en notable expansion, dans le domaine de la santé en particulier. Qu’en est-il de la valeur de cette catégorie de titres ? Emet-on à moindre taux si l’obligation est réputée sociale ?
Dans leur article « Socialium or the Financial Price of Social Responsibility », trois chercheurs français s’intéressent à la différence de taux d’emprunt entre les obligations sociales et les obligations classiques. Dans un marché où, en 2020, se présentent 154 émissions, d’en moyenne 1 milliard de dollars, ce qui représente en encours 0,3 % du marché obligataire mondial, ils analysent les 110 titres à taux fixe de maturité supérieure à deux ans. Plus des deux tiers des émissions proviennent d’institutions publiques et internationales. Danone lança la première émission corporate en 2018. Avec les mêmes méthodes que celles employées pour les green bonds, les chercheurs comparent les taux actuariels à l’émission et lors de la première cotation en secondaire avec les références d’usage, en termes d’émetteur et de maturités.
Alors que les obligations vertes se traitent en moyenne à des taux moindres que leurs comparables classiques, de l’ordre de 20 points de base à l’émission et la moitié en secondaire, les obligations sociales ne présentent en moyenne pas, d’après leur étude, de différence de taux, ni à l’émission, ni à la première cotation. Certes, les écarts de taux sont variables de plus ou moins 20 points de base d’un titre à l’autre mais, en moyenne, aucune caractéristique commune à ce segment n’apparaît dans les données disponibles. Leurs réactions aux événements externes comme la guerre en Ukraine survenue pendant la période d’étude ou lors des annonces de politique monétaire ne les différencie pas davantage des titres classiques.
Une volonté de souligner l’engagement social de l’entreprise
Le marché est-il encore trop jeune, et les investisseurs dubitatifs sur la liquidité postérieure des titres ? Sont-ils peu intéressés par la finalité sociale ? L’ICMA, qui a su installer sa norme sur le marché des obligations vertes, a également défini un cadre pour les obligations sociales qu’elle a révisé en 2020. Ce cadre est-il accepté par le marché ? Est-il trop coûteux à mettre en œuvre ? Les chercheurs s’interrogent sur les raisons pour lesquelles les émetteurs continuent à alimenter ce segment qui ne leur apporte pas d’avantages financiers et leur occasionne des coûts supplémentaires, notamment pour le contrôle de la destination des fonds et la communication. Ils considèrent que les émetteurs les choisissent pour souligner leur engagement social et qu’ils soignent ainsi leur marque, notamment auprès de leurs clients, quand il s’agit d’entreprises.
Les différences de spread dans le cas des obligations climat sont souvent interprétées comme des surcroîts de demande de la part des investisseurs. L’enquête annuelle de l’Af2i indique depuis de nombreuses années que les principales motivations extra-financières des investisseurs institutionnels français sont le climat et l’environnement. Devant la relative pénurie de projets à financer, ils se concentrent sur les titres existants qu’ils paient légèrement plus cher, sans vraiment détériorer leurs intérêts financiers. L’absence de cadre reconnu de la dimension sociale et les caricatures qui demeurent encore dans ce domaine en font un sujet encore mal appréhendé. Cette étude, la première du genre, est un ajout utile à notre compréhension, même si son résultat est négatif. Bonnet blanc ou blanc bonnet, les obligations sociales ne sont ni plus ni moins chères que les autres.
Diana Pop, Caroline Marie-Jeanne, Régis Dumoulin
« Socialium or the Financial Price of Social Responsibility »
Entretiens de la finance durable, Paris, décembre 2023
Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.
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