Liquidité : l’excès fait la pénurie

Publié le 7 mai 2015 à 18h01    Mis à jour le 7 mai 2015 à 19h08

Thierry Million

Les excédents mondiaux de liquidité fiduciaire croissent très rapidement. Aujourd’hui, en pourcentage du PIB mondial, la base monétaire s’élève à plus de 25 %, contre 15 % il y a dix ans. Cependant, cette profusion ne favorise absolument pas la liquidité «transactionnelle» sur les marchés obligataires.

Via des politiques monétaires résolument expansionnistes, de nombreuses Banques centrales injectent des liquidités en contrepartie des titres qu’elles acquièrent. Par substitution aux investisseurs traditionnels, elles tendent à assécher les marchés obligataires réputés les plus liquides, comme ceux des emprunts d’Etat. Les gérants de portefeuilles se tournent alors massivement vers des marchés plus étroits, comme celui des titres d’entreprises dont la liquidité est fragmentée et discontinue. De ce fait, le «turn-over» s’effondre. Aux Etats-Unis, les volumes traités ne représentent plus que 5 % des encours, contre 17,5 % en 2007.

Les banques participent également à cette réduction des volumes car, en raison de la réglementation, elles sont contraintes d’immobiliser toujours plus de liquidités – dont elles privent les marchés.

L’action des Banques centrales a aussi pour effet de réduire l’hétérogénéité de la base des investisseurs et de développer des comportements mimétiques. Les intervenants de marché devenant collectivement vendeurs ou acheteurs, les transactions ne peuvent s’exécuter sans fort décalage. Le trading électronique, qui affiche généralement des carnets d’ordres bien fournis quand les marchés sont calmes, crée une illusion de liquidité. Mais en période de stress, cette liquidité s’évanouit par l’annulation des ordres en quelques millisecondes.

Ainsi, paradoxalement, accroître à l’excès la liquidité de financement, crée une hasardeuse pénurie de liquidité transactionnelle.

Thierry Million Directeur de la gestion obligataire ,  Allianz Global Investors France

Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.

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