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Quand le développement de la finance va de pair avec l’extra-financier

Publié le 4 septembre 2023 à 17h24

Jean-François Boulier    Temps de lecture 4 minutes

Quel que soit le niveau de richesse d’un pays, le développement de la finance tend à améliorer ses performances extra-financières.

Les niveaux de développements économiques et sociaux demeurent très disparates à l’échelle de la planète. Les instances internationales, FMI, Banque mondiale et les instances spécialisées de l’ONU contribuent, depuis la fin de la deuxième guerre, aux efforts des pays riches pour faciliter les progrès économiques et sociaux de pays émergents. L’une des priorités, au-delà des urgences humanitaires, a été la mise en place, avec un succès relatif mais certain, de systèmes bancaires et financiers modernes et efficaces. Cette politique s’est-elle mise en place au détriment des aspects environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance ?

Dans leur article intitulé « ESG (Environment, Social and Governance) development, what is the role of financial development at the global level ? »*, trois chercheurs européens s’intéressent aux liens pays par pays entre le développement financier et leurs résultats extra-financiers (ESG). En utilisant des données économiques du FMI et les données ESG de l’Université Notre Dame du Canada, ils ont analysé les relations financières et extra-financières de 150 pays, développés et émergents, sur les dernières 25 années. Ils ont également considéré les évolutions et particularismes nationaux car plusieurs pays, dont la Chine, ont connu de profondes transformations durant cette période.

Un effet plus sensible en phase de développement

Leurs résultats tendent à confirmer l’intuition selon laquelle le développement financier va de pair avec les performances extra-financières des pays. Le lien est patent sur toutes les catégories de pays selon leur niveau de richesse y compris pour les plus pauvres. Il semble également que l’effet soit plus sensible en phase de développement et, qu’après, un certain plateau apparaît. Ce résultat s’accompagne, à niveau de développement donné, d’une dispersion forte des performances ESG, comme on s’y attend, compte tenu des différences entre Américains et Européens, par exemple.

Les effets coïncidents classiques sont également souvent conformes à l’intuition : plus d’inflation dégrade la performance extra-financière ; l’amélioration financière tend à augmenter les performances S et G mais plutôt à diminuer la performance environnementale. C’est aussi l’effet du commerce extérieur. En revanche, ni l’investissement national ni l’investissement direct étranger ne semblent avoir d’effet notable sur les performances extra-financières.

Le développement financier n’apparaît donc pas opposé, en moyenne sur cette période, à une bonne performance ESG et aurait eu tendance, au contraire, à la favoriser. S’il est nécessaire au bon développement économique, ce que beaucoup d’études ont pu démontrer, il n’est sans doute pas suffisant pour un développement extra-financier optimal. Il serait donc utile de comprendre mieux les facteurs bloquant ces performances ou expliquant la dispersion des situations pays par pays. Car l’étude souligne bien l’importance des particularismes nationaux, tout comme les effets transitoires de ces effets.

Les relations observées par cette étude sont de type « macro », établies sur un ensemble parfois très hétérogène d’entités publiques et privées. Il n’y a pas de volonté, au-delà de la puissance publique, ou de mécanisme caché derrière ces mesures, alors que les comportements d’une institution, d’une entreprise ou d’un individu résultent d’une décision identifiable. Il serait donc intéressant d’étudier les facteurs influençant le comportement des acteurs, pour en comprendre leurs motivations et les éléments influençant leur décision. Des facteurs politiques vont évidemment intervenir, mais comment ?

Il reste que ces résultats sont dépendants des données utilisées par les chercheurs. Les données macroéconomiques sont parfois discutables mais ont fait l’objet d’une amélioration sensible depuis plusieurs décennies. En revanche les données extra-financières sont encore peu normées et souvent mal appréhendées, parfois même, pas mesurées. Au-delà des efforts de normalisation comptable en cours il serait également très utile de mieux formaliser les concepts et les mesures associées qui mériteraient d’être suivies de façon cohérente d’un pays à l’autre. Nous sommes au début de ces transitions, bien les suivre ainsi que suivre les facteurs qui les influencent paraît nécessaire et opportun.

*ESG (Environment, Social and Governance) development, what is the role of financial development at the global level ? Bertrand Kian Hassani, Rizwan Mushtaq, Yacoub Bahini, Congrès de l’AFFI, Bordeaux, juin 2023.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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