Retour d’une volatilité et d’une aversion au risque plus fortes : quelles conséquences ?

Publié le 14 février 2014 à 18h04    Mis à jour le 30 avril 2014 à 18h07

Patrick Artus

La crise des émergents, les mauvais indicateurs publiés aux Etats-Unis, le risque de déflation dans la zone euro ont fait remonter l’aversion pour le risque des investisseurs, la volatilité des actions. On doit donc s’intéresser aux effets sur les marchés financiers du passage à un régime de volatilité et d’aversion pour le risque plus fort. Les investisseurs ont d’abord été confrontés à la crise des grands pays émergents (Brésil, Turquie, Inde, Afrique du Sud, Indonésie). Dans ces pays, il y a à la fois stagnation de la production industrielle en raison de divers goulots d’étranglement (main-d’œuvre, énergie, infrastructures de transport) et forte progression de la demande intérieure avec la croissance très rapide du crédit (plus de 15 % par an en moyenne) due aux politiques monétaires expansionnistes.

Il en a résulté l’ouverture des déficits extérieurs de ces pays et une violente dépréciation des devises lorsque les déficits des balances courantes n’ont plus été financés par des entrées de capitaux. Cela s’est produit lors de l’annonce du tapering (réduction des achats d’actifs) par la Réserve fédérale au printemps 2013. Le second choc pour les investisseurs vient de la publication d’indicateurs économiques très défavorables aux Etats-Unis au début de 2014. On a l’impression désormais que la reprise aux Etats-Unis peut s’étouffer. Le troisième facteur de perturbation des marchés financiers est la confirmation de la présence d’un risque de déflation dans la zone euro, avec la poursuite du recul de l’inflation et la hausse induite des taux d’intérêt réels.

Cette perturbation de la reprise par la crise des émergents ; les signes de ralentissement des Etats-Unis, le risque de déflation dans la zone euro a conduit à une remontée de l’aversion au risque, de la volatilité. Cela nous incite à réfléchir aux conséquences sur les marchés financiers du basculement vers un régime d’aversion au risque et de volatilité plus fort. On s’attend à un retour des investisseurs sur les dettes publiques jugées sans risque et aussi à un questionnement sur le statut d’actif sans risque. Certains actifs jugés peu risqués dans un environnement de volatilité faible peuvent changer de catégorie dans un environnement de volatilité forte.

Cela semble être le cas pour les dettes bancaires des pays du Sud de la zone euro, mais pouvait être aussi le cas pour les dettes souveraines de ces pays, normalement très corrélées aux dettes bancaires ? Enfin, on s’attend à une différenciation plus grande entre les actifs et les primes de risque associées à ces actifs, en fonction du risque de crédit, alors que dans une situation d’aversion au risque faible, toutes les primes de risque s’écrasent. Cela pourrait concerner les marchés des obligations des entreprises et des dettes bancaires.

Patrick Artus Membre du Cercle des Economistes

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Devenu en 1998 directeur de la recherche et des études de Natixis, il est promu chef économiste en mai 2013. Depuis septembre 2024, il est conseiller économique d'Ossiam. Il est également membre du Cercle des Economistes.

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