Les directions financières dans la crise

Axyntis mise sur la relocalisation

Publié le 2 avril 2021 à 15h42

Propos recueillis par Thomas Feat

En dépit d’une baisse d’activité, Axyntis a relativement bien résisté à la crise l’an dernier. L’ETI créée en 2007, spécialisée dans la chimie fine et la production de colorants, a sollicité plusieurs dispositifs de soutien à l’activité mis en place par les pouvoirs publics, et est parvenue à sauvegarder sa trésorerie grâce à de nouveaux financements, dont un prêt garanti par l’Etat et une émission obligataire. L’année 2021 sera déterminante à plus d’un titre. Avec le soutien de l’Etat, l’entreprise, qui figure parmi les leaders français de la production de principes actifs pharmaceutiques, s’apprête à relocaliser la fabrication de plusieurs d’entre eux. La société souhaite par ailleurs moderniser son outil de production. David Simonnet, président-directeur général, revient en détail sur cette actualité.

La fiche d’identité d’Axyntis

  • Secteur d’activité : production de principes actifs, de solutions de chimie fine et de colorants. Le groupe travaille pour des donneurs d’ordres présents, notamment, dans l’industrie pharmaceutique, la santé animale, la cosmétique, l’électronique, la photographie et la production de papiers.
  • Chiffre d’affaires 2019 & 2020 : l’entreprise a réalisé 84 millions d’euros en 2019, dont près de 70 % en provenance de ses marchés étrangers, l’Europe, les Etats-Unis et le Japon. En 2020, ses revenus se sont contractés de 8 millions d’euros en raison de la pandémie de Covid-19.
  • Répartition du capital à fin 2020 : David Simonnet, président-directeur général : 50 % ; Fuji Silysia, groupe japonais : 50 %

Comment la crise sanitaire a-t-elle affecté votre activité ?

Axyntis est une entreprise spécialisée dans la chimie fine et la production de colorants. Le groupe développe des principes actifs pour l’industrie pharmaceutique, l’agrochimie, la santé animale, l’électronique, la cosmétique ou encore la photographie. La société dispose de cinq sites de production à Calais, Pithiviers, Saint-Marcel (Eure), Montluçon et Grasse. En 2019, juste avant la crise sanitaire, elle a réalisé 84 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont près de 70 % en provenance de ses marchés étrangers, l’Europe, les Etats-Unis et le Japon.

Au printemps 2020, la propagation de la pandémie a suscité de l’inquiétude au sein de nos équipes. En mars, avril et mai derniers, un certain nombre de nos salariés considérés comme « vulnérables », et qui ne pouvaient télétravailler, ont sollicité des arrêts de travail médicaux, quand d’autres ont bénéficié du dispositif d’arrêt pour garde d’enfants. Sur la période, notre taux d’absentéisme a atteint 15 % certaines semaines, contre 3 % habituellement ! Ces retraits ont entraîné des retards de fabrication importants, qui ont généré une baisse de nos revenus. Heureusement, nos protocoles de sécurité drastiques, justifiés par nos différentes activités et régis par des normes Seveso, se sont avérés très utiles pour tenir le coronavirus à distance.


« En 2020, Axyntis a obtenu un Prêt garanti par l’Etat (PGE) de 3,5 millions d’euros et un Prêt rebond d’un montant équivalent. »


Ces douze derniers mois, nous avons été confrontés, de surcroît, à un affaiblissement de la demande émanant des secteurs non pharmaceutiques, tels que la cosmétique et la photographie. Ce ralentissement s’est produit sur l’ensemble de nos marchés, domestique comme étrangers.

En raison de ces problèmes internes et externes à l’entreprise, notre chiffre d’affaires s’est établi à 76 millions d’euros en 2020, en retrait de 8 millions d’euros sur un an et inférieur de 12 millions d’euros à notre chiffre d’affaires prévisionnel. Notre Ebitda a malheureusement été intégralement consommé sur la période.

Plusieurs points positifs doivent être néanmoins soulignés sur l’exercice 2020 : les commandes en provenance de l’industrie pharmaceutique, qui constituent 60 % de nos revenus, n’ont pas faibli ; contrairement au premier, le second confinement n’a eu qu’une incidence très limitée sur notre organisation ; alors même que nous réalisons 90 % de nos ventes en euros, son appréciation par rapport au billet vert n’a pas eu d’incidence négative puisque nous importons davantage en dollars que nous n’exportons. Début 2021, anticipant une baisse de la monnaie unique, nous avons d’ailleurs mis en place des instruments de couverture qui nous permettrons d’améliorer la compétitivité coûts de nos productions.


Avez-vous eu recours aux dispositifs de soutien à l’activité mis en place par l’Etat ?

Les premiers mois de l’année sont en général exclusivement dédiés à la production de nos solutions. Durant cette période, nous encaissons très peu de chiffre d’affaires. Lorsque l’épidémie a gagné la France en mars, notre trésorerie disponible n’excédait pas un mois d’activité. Il nous a donc fallu trouver des ressources dans l’urgence.

Nous avons sollicité et obtenu un prêt garanti par l’Etat (PGE) de 3,5 millions d’euros auprès de caisses régionales du Crédit Agricole et de la Caisse d’Epargne. Ce PGE, d’une maturité de 5 ans, est remboursable à compter de 2022 après exercice du moratoire d’un an accordé par l’exécutif. Dans le même temps, Bpifrance nous a accordé un Prêt Atout d’un montant équivalent. Les fonds ont été débloqués rapidement, courant avril. Il faut dire que ces partenaires ont été rassurés par notre capacité à évaluer rapidement notre manque à gagner et par la résilience de notre carnet de commandes en provenance des laboratoires pharmaceutiques. Nous envisageons actuellement de mettre en place un nouveau PGE ou un prêt à taux bonifié, dispositif lancé par les pouvoirs publics l’an dernier, afin de soutenir le rebond du groupe.

Nous avons pu obtenir, en parallèle, des reports de paiement de charges sociales et fiscales équivalents à un million d’euros. Ces aménagements ont été négociés essentiellement pour le compte de Synthexim, notre filiale calaisienne. En revanche, nous n’avons eu recours que très faiblement au chômage partiel, puisque la baisse d’activité de certains de nos sites a été concomitante avec les arrêts de travail de beaucoup de nos salariés.


Quelles mesures supplémentaires l’entreprise et sa direction financière ont-elles prises pour limiter les effets de la crise ?

Nous nous sommes efforcés d’optimiser le pilotage de notre trésorerie sur le court terme. Nous avons déployé une nouvelle solution informatique capable, notamment, de bâtir des prévisions à une semaine, un mois et un trimestre, et de tenir compte instantanément de toute fluctuation d’activité.

Dès la deuxième quinzaine de mars, nous avons porté une attention toute particulière à la sauvegarde de nos liquidités. Nous avons veillé à nous doter de nouvelles ressources. Pour ce faire, Axyntis a refinancé sa dette obligataire en août grâce à une nouvelle émission de 4 millions d’euros. La maturité de cette dette a été étendue de 2020 à 2024. La société a également mis en place un programme de financement de bons de commande auprès de Factofrance qui, contrairement à de l’affacturage, peut être déployé en amont de la fabrication des produits. Ce programme, éligible comme le PGE à la garantie de l’Etat, lui a permis de financer son besoin en fonds de roulement à hauteur de 4 millions d’euros. En outre, le groupe japonais Fuji Silysia et moi-même, en tant qu’actionnaires principaux d’Axyntis à quasi-parité, avons abondé le compte courant d’associés de l’entreprise.


« Les chantiers de relocalisation d’Axyntis seront financés  à hauteur de 60 % par le plan de relance sous la forme d’avances remboursables. »


Ces différentes mesures ont été renforcées, ensuite, par un plan d’économie. Nous avons fermé notre activité d’incinération de Calais, déficitaire. En rationalisant les fonctions supports, nous avons dégagé une économie d’un demi-million d’euros au cours des six derniers mois.

Le remboursement de notre crédit d’impôt recherche (CIR) au titre des exercices 2017, 2018 et 2019, pour un montant global de 3 millions d’euros, est arrivé pour sa part à point nommé.

Quels chantiers conduirez-vous dans les prochains mois ?

L’année 2021 s’annonce cruciale pour Axyntis. En effet, l’entreprise entend prendre toute sa part au vaste programme de relocalisation souhaité par le gouvernement dans le cadre du plan de relance. Ce programme est fondamental car, ainsi que l’a montré la crise sanitaire, la France est devenue trop dépendante en matière d’approvisionnement de produits de santé et de principes actifs pharmaceutiques.

D’ici à fin 2022, nous serons capables de produire huit nouvelles molécules médicamenteuses aujourd’hui essentiellement fabriquées en Chine et en Inde, dont certaines, à l’instar de l’adrénaline et de la noradrénaline, sont utilisées dans le cadre de la prise en charge des patients atteints par la Covid-19. Cette production sera relocalisée pour une large part dans notre site de Pithiviers.

Ce chantier de 6 millions d’euros, reconnu prioritaire par l’Etat, sera financé à hauteur de 60 % par le plan de relance sous la forme d’avances remboursables. Nous financerons les 40 % restants grâce à nos ressources propres.

Par-delà sa dimension stratégique, la relocalisation de cette activité constitue une réelle opportunité pour Axyntis. Jointe à la création récente d’un nouveau laboratoire dédiée à la production de molécules pour des traitements anticancer à fort potentiel – financée partiellement par le plan de relance – elle devrait nous permettre de dégager environ 15 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires par an à horizon 2024/2025.

Au cours des prochains mois, nous moderniserons également notre outil de production pour gagner en productivité. Nous souhaitons nous renforcer, notamment, dans la chimie en continu, technique qui permet un meilleur contrôle de la température des réactions, une réduction des temps de synthèse et un mélange plus efficace des réactifs. Celle-ci sera déployée plus significativement pour la production de nos principes actifs anticancer.

En 2021, notre chiffre d’affaires devrait s’établir à 98 millions d’euros, en hausse de près de 30 % sur un an. En application de notre plan stratégique, que nous venons de mettre à jour, nos revenus devraient croître de 10 millions d’euros par an à horizon 2024, pour atteindre 140 millions d’euros à cette échéance. 

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