Donner un nouvel élan à sa carrière, renforcer ses compétences, changer de spécialité… Les raisons pour reprendre ses études ne manquent pas, y compris chez les financiers. Si la démarche s’avère le plus souvent enrichissante, elle n’est pas toujours simple à mettre en œuvre. Témoignages.
« Le retour sur les bancs de la fac a été vertigineux, témoigne Victor Guillaume qui suit le master 222 “Gestion d’actifs” en alternance de l’Université Paris-Dauphine-PSL depuis le début de l’année, après quatre ans passés dans des trading floors, au sein de CACIB Londres, puis de Kepler Cheuvreux en Suisse. Cette reprise d’étude a nécessité que je quitte un poste avec un salaire très confortable et que je quitte également mes amis et mon cadre de vie en Suisse. Un choix dont j’avais un peu sous-évalué les impacts mais que je ne regrette pas. Mon travail s’apparentait davantage à de la spéculation plutôt que de l’investissement sur le temps long. Je sentais que je n’apprenais plus et ne m’épanouissais plus dans cet univers de banque d’investissement. Reprendre des études est un engagement personnel et financier, mais finalement, ce n’est qu’une année dans ma vie au service d’une reconversion, avec à la clé des missions plus en lien avec mes valeurs et mes aspirations professionnelles ! » Grâce à son année de master, Victor Guillaume entend en effet quitter le monde de la finance de marché pour se réorienter vers la gestion d’actifs. C’est également pour donner un nouveau sens à sa carrière et aussi pour son développement personnel que Tatiana de Dalmas, aujourd’hui membre de l’équipe capital raising & institutional clients coverage d’AXA IM Alts (Alternatives), a décidé de postuler à l’executive MBA d’HEC, dont elle vient d’être diplômée en octobre dernier. « Après dix années passées en private equity, à New York puis à Paris, j’arrivais à un tournant de ma carrière, explique Tatiana de Dalmas. J’avais besoin de prendre de la hauteur par rapport à mon travail, de développer mon réseau en rencontrant de jeunes professionnels avec des parcours variés, et d’apprendre à mieux appréhender les enjeux stratégiques et les enjeux de développement durable. »
«Après dix années passées en private equity, à New York puis à Paris, j’arrivais à un tournant de ma carrière. J’avais besoin de prendre de la hauteur par rapport à mon travail et d’apprendre à mieux appréhender les enjeux stratégiques comme les enjeux de développement durable. »
Une ouverture à de nouvelles opportunités professionnelles
La reprise d’études est également souvent considérée comme un tremplin vers des fonctions à plus fortes responsabilités, comme une opportunité de relever de nouveaux défis ou de changer de voie. Des raisons qui ont motivé Richard Nunes à suivre l’executive master en gestion financière d’HEC. Entré chez Sony Electronics en 2008 en qualité de contrôleur de gestion sur différentes lignes de produits successives, il y a fait ses premières armes en management dès 2013. « En 2019, j’avais fait le tour des missions confiées aux contrôleurs de gestion chez Sony, explique Richard Nunes, France senior FP&A manager & Belgium finance leader chez Mercer. J’avais besoin de faire le point sur l’évolution de mon métier mais aussi sur les autres fonctions de la finance, pour éventuellement changer de voie et m’orienter davantage vers des postes de direction et d’analyse financière. Une démarche dans laquelle la DRH de Sony Electronics m’avait d’ailleurs encouragé. »
«J’avais besoin de faire le point sur l’évolution de mon métier mais aussi sur l’évolution des autres fonctions de la finance, pour éventuellement changer de voie. »
Cette année d’étude a ainsi permis à Richard Nunes de saisir de nouvelles opportunités professionnelles et de postuler au poste de responsable en analyse et planification financière qu’il occupe actuellement chez Mercer. « Un rôle de consultant en stratégie financière au sein de la direction financière, proche des directions opérationnelles des différentes activités de Mercer ainsi que de sa direction générale, en phase avec mes objectifs professionnels », ajoute Richard Nunes. Une soif d’apprendre et de renforcer ses connaissances en finance qui a également poussé Roberta Lopes à retourner en salle de cours. Après avoir occupé pendant plusieurs années des postes en audit, contrôle interne puis en management des risques, l’actuelle directrice M&A Europe d’Holcim entendait en effet revoir les fondamentaux de la finance. « Je ressentais le besoin de mettre à jour et approfondir mes compétences en techniques financières pures, précise Roberta Lopes, M&A director Europe chez Holcim. l’executive master finance d’HEC intègre par ailleurs une formation sur les problématiques fusions et acquisitions qui m’intéressait d’autant plus qu’Holcim m’a, au moment de ma reprise d’études, proposé le poste de directrice M&A. Enfin, étant d’origine brésilienne, j’avais également besoin d’améliorer mon français en finance. »
Une décision engageante
Que ce soit pour se reconvertir dans un autre métier de la finance, renforcer et développer ses compétences ou évoluer professionnellement, redevenir étudiant après plusieurs années dans le monde du travail n’est pas toujours aisé. Une expérience d’autant plus éprouvante pour ceux qui continuent de travailler et qui peut également nécessiter une réorganisation familiale et personnelle. En effet, les formations généralement prisées par les professionnels de la finance en activité sont souvent échelonnées sur plusieurs semaines réparties sur un ou deux ans. Suivre ces cours implique donc souvent pour ces professionnels de poser des congés, et de travailler le soir et le week-end. « Trois mois après avoir été admise à HEC et après avoir quitté Eurazeo, j’ai été recrutée par AXA IM au poste que j’occupe actuellement, se rappelle Tatiana de Dalmas. C’était une opportunité unique que je ne voulais pas laisser passer, et j’ai eu la chance de pouvoir aménager mon emploi du temps et d’avoir suffisamment de flexibilité pour poursuivre mon executive MBA en parallèle de ma prise de poste. » Laura Sardu, actuellement responsable financière de Percassi Bâtiment a également dû puiser dans ses congés payés pour suivre son master en gestion financière à HEC. « Reprendre ses études demande un investissement personnel important car même si je posais une semaine de congé par mois pour retourner en cours, je devais quand même rattraper le week-end le retard accumulé dans mon travail », explique Laura Sardu. Pour Estelle Baron, la démarche a été d’autant plus engageante qu’elle a choisi de reprendre ses études tout en créant sa nouvelle activité de DAF à temps partagé. « Malgré mon expérience professionnelle, notamment en qualité de directrice financière pendant près de 15 ans, mon DUT en gestion des entreprises et des administrations était parfois insuffisant pour postuler à certains postes, regrette Estelle Baron qui a donc décidé de suivre le MBA expert administratif et financier de l’IHECF de Rennes en validation des acquis de l’expérience (VAE). Bien qu’en VAE nous n’ayons pas forcément de cours, l’obtention du diplôme nécessite beaucoup de temps et d’investissement. Pour valider chaque unité de valeur de ce MBA nous devons en effet rédiger un mémoire et justifier que nous avons mené un certain nombre de missions telles que la mise en place d’un ERP ou d’un système de contrôle de gestion et de reporting, du management d’équipe, etc. En parallèle j’ai également suivi une formation sur la création d’activité et mené mes premières missions de DAF à temps partagé ! Une année bien remplie mais grâce à laquelle j’ai mis toutes les chances de mon côté pour bien démarrer mon activité de directrice administrative et financière à temps partagé. »
Un épanouissement personnel
En dépit de l’engagement en temps et en ressources, ceux qui ont sauté le pas tirent généralement un bilan positif de cette expérience. « J’ai gagné en assurance et en confiance en moi, ajoute ainsi Estelle Baron. » Un sentiment partagé par Tatiana de Dalmas qui a appris pendant son master à se remettre constamment en question. « J’ai appris à sortir de ma zone de confort et j’ai découvert les préceptes de “l’intelligence situationnelle”, précise-t-elle. Désormais, j’arrive à mieux analyser une situation dans ses différentes dimensions et dans sa complexité, à mieux comprendre les points de vue des différentes parties prenantes et en tenir compte afin de proposer la réponse la plus appropriée. » Parallèlement, la reprise d’études peut également être perçue par les entreprises comme un gage de sérieux et représenter un plus non négligeable dans un processus de recrutement, surtout lorsqu’elle est réalisée dans un établissement renommé. « C’est un engagement important, qui s’inscrit généralement dans une démarche de remise en question sur le plan professionnel qui peut être appréciée par les recruteurs, indique Richard Nunes. Ma reprise d’étude a d’ailleurs eu un impact fort lors des différents entretiens d’embauche que j’ai pu mener. » Elle représente par ailleurs une opportunité d’élargir et de renforcer son réseau professionnel, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles opportunités.
Le financement des études, un sujet délicat
Souvent, le principal frein à la reprise d’étude reste financier. Certes le système français propose des dispositifs d’aides à la reprise d’études tels que les bourses (notamment pour les plus jeunes) mais aussi le CPF (compte personnel de formation) qui permet de financer une reprise d’études dans le cadre de la formation professionnelle, ou encore le CPF de transition qui pour sa part remplace le congé individuel de formation (CIF). Certains salariés se font également financer leur reprise d’études par leur entreprise dans le cadre d’un plan de départ ou d’un plan de formation. « L’entreprise dans laquelle je travaillais a financé 40 % du coût de mon executive master, dont le coût s’élevait à 30 000 euros, tout en continuant par ailleurs de me verser mon salaire y compris quand j’étais en cours », précise ainsi Richard Nunes France senior FP&A Manager & Belgium finance leader chez Mercer. C’est également le cas pour ceux qui suivent des formations en alternance, comme Victor Guillaume, dont l’employeur Mirova finance près de 13 000 euros du coût de son master à l’Université Paris-Dauphine-PSL. Cependant, lorsque cette reprise d’étude s’inscrit davantage dans une démarche individuelle, le reste à charge pour « l’étudiant » est souvent important et s’accompagne la plupart du temps d’une baisse de revenu, consécutive par exemple à la prise de congés sans solde.