Directions financières

Chargés de recouvrement : à la recherche de la perle rare

Publié le 7 février 2020 à 10h04    Mis à jour le 7 février 2020 à 18h27

Anne del Pozo

Afin de maîtriser leurs délais de paiement, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir recruter des chargés de recouvrement. Mais cette profession souffrant encore d’une image parfois négative, les candidats potentiels sont rares. De quoi notamment tirer les salaires proposés à la hausse.

Malgré des améliorations récentes sur ce front, le nombre de défaillances de sociétés se maintient à un niveau important (52 000 en 2019 selon Altares), tandis que les retards de paiement peinent à reculer sensiblement (au-delà de 10 jours en moyenne chez les PME et les grands comptes en 2019 selon le cabinet Arc). De quoi aboutir à la disparition d’une entreprise toutes les 33 minutes en France sous l’effet de problèmes de trésorerie ! Dans ce contexte, le chargé de recouvrement s’est imposé au fil des mois comme un profil de plus en plus recherché par les groupes. Problème : les candidats sont rares, comme l’observe l’Association des credit managers (AFDCC). «Notre pôle formation enregistre une augmentation régulière des demandes des entreprises pour des postes de chargés de recouvrement en alternance auxquelles nous ne pouvons pas toujours répondre, en raison du manque de postulants, témoigne Elisabeth Blouin, responsable de formation de l’AFDCC. Rien que cette année, nous avons eu plus de 50 demandes d’alternants alors que notre promotion n’accueille que 30 candidats !»

Des formations trop peu nombreuses

Ce constat tient à plusieurs facteurs. D’abord, ce métier pâtit le plus souvent, dans l’esprit des candidats potentiels, d’une image négative. Le manque de formations à ce métier est également pointé du doigt. «Les entreprises déplorent le manque de formations diplômantes à ce métier, alors même qu’elles portent une attention de plus en plus grande à la maîtrise des délais de paiement et à la gestion du risque client», note Jalale Fraygui, executive manager senior au sein de la division “accountancy & finance” chez Hays Paris. Une poignée seulement de formations certifiantes sur ce métier sont ainsi dispensées en France, dont celles d’Elegia, d’Osmose ou encore de l’AFDCC avec son cursus en alternance. «A défaut de formations spécifiques, les entreprises cherchent généralement des bac + 2 en force de vente, action commerciale ou comptabilité», signale Aurélie Auboiroux, division manager chez Robert Half.

De tels profils sont notamment appréciés pour leurs capacités à adapter leur discours commercial à leurs interlocuteurs ou à lire, voire à analyser, certaines données comptables, tels qu’un bilan, un compte de résultat, etc. «Le chargé de recouvrement doit en effet être capable d’analyser la situation financière d’une entreprise avant d’autoriser les commerciaux à travailler avec eux, ajoute Jalale Fraygui. Il s’agit d’un métier complexe car il nécessite des connaissances comptables, financières et parfois même juridiques.» Des compétences notamment recherchées par Quadient (ex-Neopost) qui compte 18 personnes au sein de son équipe credit management, chargées du suivi des créances de ses 100 000 clients. «Nos chargés de recouvrement peuvent être amenés à gérer des litiges ou des demandes de conditions de paiement particulières, explique Olfa Zedini, credit manager chez Quadient. Ils doivent donc être proactifs sur la gestion du recouvrement de créances, savoir adapter leurs procédures de relances ou encore analyser les situations financières de nos débiteurs. A cet effet, ils peuvent notamment consulter les informations légales (procédures collectives, inscriptions aux privilèges) ou la note des clients sur un site d’informations financières et commerciales.»

Les capacités relationnelles plébiscitées

En cas de requêtes particulières, charge à eux d’investiguer. «Nous leur demandons également de comprendre pourquoi un client demande des paiements échelonnés, et de vérifier sa bonne foi, poursuit Olfa Zedini. Dès lors qu’ils ont un doute, nous les encourageons vivement à obtenir des garanties supplémentaires, notamment en mettant en place le prélèvement ou en demandant les chèques par avance. Il faut également qu’ils aient une véritable approche commerciale dans leur discours et qu’ils travaillent en étroite collaboration avec les équipes de vente.» Au-delà des compétences techniques, les recruteurs accordent, il est vrai, une grande importance aux capacités de communication et aux capacités organisationnelles des chargés de recouvrement, notamment pour garantir un suivi et des relances optimales des créances et des dossiers. «L’aisance relationnelle est indispensable pour être en mesure de débloquer des situations compliquées, insiste Sylvain Massebeuf, director senior chez Page Personnel. Les chargés de recouvrement doivent savoir se montrer à la fois fermes et diplomates avec les clients. Ils doivent également être persévérants et compréhensifs.»

Conséquence directe des qualités requises et du déficit de spécialistes, cette profession offre des niveaux de rémunération intéressants qui, depuis dix ans, n’ont cessé d’augmenter. «Le salaire annuel moyen des chargés de recouvrement est passé de 21 000 euros en 2008 à près 30 000 euros aujourd’hui, voire 40 000 euros pour les profils bilingues anglais recrutés par les entreprises évoluant à l’international, constate Aurélie Auboiroux. Ils ont également souvent un variable ou une prime d’objectif qui représente généralement 20 à 30 % du salaire fixe selon la rapidité des délais de règlements qu’ils obtiennent, le nombre de dossiers traités par jour ou par semaine ou encore le nombre de litiges résolus.» Au-delà de l’évolution des salaires, les entreprises misent également sur les perspectives d’évolution pour attirer les candidats. En fonction des formations et des profils, les chargés de recouvrements peuvent rapidement se voir proposer des postes en analyse crédit ou en administration des ventes, par exemple. 

De chargé de recouvrement à credit manager

  • De l’avis des intéressés, le métier de chargé de recouvrement offre de nombreuses opportunités d’évolution de carrière. Un constat que fait par exemple Olfa Zedini, passée en deux ans de ce métier à credit manager. Après l’obtention de son master en droit des affaires, elle décide de suivre la formation «Chargé de recouvrement» de l’AFDCC en 2003. «J’avais besoin de travailler, d’être sur le terrain et au contact des gens, poursuit Olfa Zedini. J’ai suivi ma formation en alternance dans une société de vente par correspondance bien structurée, dotée d’un important service de recouvrement de créances. Une première expérience pendant laquelle j’ai notamment développé des compétences relationnelles.»
  • Olfa Zedini a ensuite intégré un grand groupe en qualité de chargée de recouvrement grands comptes. Cinq mois plus tard, elle est promue responsable d’équipe. Moins de deux ans après son arrivée dans l’entreprise, elle devient credit manager. Une fonction qu’elle a ensuite exercée ensuite au sein de différentes entreprises et qu’elle occupe aujourd’hui encore chez Quadient (ex-Neopost). «Ce parcours professionnel riche en expériences m’a permis de développer différentes compétences tant techniques (analyse financière, mise en place du prélèvement SEPA, mise en place de projet ERP, gestion financière, gestion juridique, etc.) que managériale et ce, en France comme à l’international.»

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