Après une très forte croissance enregistrée fin 2019 (234 millions d’euros pour les six derniers mois), la direction financière de Claranova, spécialiste de l’impression photo et du cadeau personnalisable, avait prévu pour 2020 d’améliorer le suivi du développement de son activité grâce à l’adoption d’un outil de reporting global et de poursuivre sa stratégie de croissance externe.
Même si, pour l’instant, la crise sanitaire semble ne pas avoir trop pénalisé son activité, elle l’a néanmoins obligé à mettre en place des mesures d’urgence, comme l’explique Sébastien Martin, directeur administratif et financier de Claranova.
Quel a été l’impact économique de la crise sur votre activité ?
Nous avons la chance d’être présents sur un marché dématérialisé avec la majorité de nos activités en ligne. En conséquence, nous constatons un impact assez contrasté sur nos activités, qui recouvrent trois secteurs. D’abord, nous n’avons constaté aucun impact significatif sur notre activité d’édition de logiciels dans les domaines de la sécurité, de la retouche photo et du PDF (20 % du chiffre d’affaires du groupe), dont les ventes s’effectuent en ligne. Ensuite, nous faisons de l’impression de photographies et d’albums photos (79 % du chiffre d’affaires du groupe, dont 52 % pour la partie impression photos) commandés directement à partir du téléphone portable de nos clients. Or, avec la crise sanitaire, nos clients se sont retrouvés confinés loin de leurs proches et se sont mis à vouloir imprimer et à créer des albums photos, ce qui a généré une demande beaucoup plus importante pour notre activité d’impression photos. Si bien que nous avons enregistré plus de 70 % de croissance d’impressions sur le seul mois d’avril dernier par rapport au même mois l’année dernière.
En revanche, la crise sanitaire a eu un impact sur notre nouvelle activité de cadeaux personnalisables, comme les tapis de souris, mugs, sacs, etc. (intégrée au pôle impression mobile et représentant 27 % de notre chiffre d’affaires pour le premier semestre 2019-2020). Par mesure de sécurité pour nos collaborateurs, nous avons décidé de fermer momentanément notre unique usine implantée aux Etats-Unis, dont les 70 salariés ont été placés en chômage partiel. Cette décision a impacté directement les livraisons de commandes et donc notre chiffre d’affaires pendant cette période. Néanmoins, notre activité se faisant également en ligne, le groupe a continué à prendre des commandes via son site internet, mais nous avons prévenu nos clients que les livraisons subiraient du retard, les commandes étant mises en attente de la réouverture de l’usine. Bien que cette activité soit très saisonnière (pic au moment des fêtes de fin d’année), nous ratons tout de même pendant cette période basse des événements incontournables aux Etats-Unis pour notre chiffre d’affaires, comme la fête des Mères ou les sessions de remises de diplômes.
Quelles mesures d’urgence la direction financière a-t-elle dû prendre ?
Le confinement a été décrété le 17 mars dernier et nous devions publier nos résultats semestriels le 31 mars, soit quelques jours après ! La direction financière du groupe s’est donc retrouvée totalement dispersée un peu partout en France au moment même où nous devions clôturer nos comptes et finaliser notre rapport semestriel.
Même si le travail à distance était possible, le confinement rendait l’exercice vraiment compliqué. Il a complètement bouleversé nos méthodes de travail dans un laps de temps très court. Alors que nous fonctionnions jusqu’ici principalement en format papier, nous avons dû dématérialiser la validation de nos comptes par les commissaires aux comptes.
Par ailleurs, cette dématérialisation a également été utilisée pour notre communication financière. En effet, nous avions prévu, à la même date, une rencontre physique avec des investisseurs. Celle-ci devait être suivie, le 1er avril dernier, d’une réunion avec nos actionnaires. Nous les avons maintenues grâce à un webcast (événement en ligne) réalisé avec une équipe externe à l’entreprise, et ce malgré l’absence de matériel professionnel en interne. Enfin, des roadshows avec un certain nombre d’investisseurs étaient également prévus et ont été remplacés par des visioconférences.
Nous aurions pu évidemment prévenir les marchés, reculer la sortie de notre rapport – je l’ai d’ailleurs proposé à mes équipes –, mais il était très important pour nous de continuer à fournir des éléments financiers. C’est une question de crédibilité par rapport aux marchés, et cela nous a également permis de rassurer nos investisseurs et nos actionnaires qui, compte tenu de la crise, étaient en droit de se poser des questions.
Malgré un impact négatif assez faible de la crise sur votre activité, avez-vous sollicité les aides d’urgence mises en place par le ministère de l’Economie et des Finances ?
Oui, nous avons sollicité quelques aides, mais cela est resté très limité. Nous avons simplement demandé le report de paiement de nos charges sociales et fiscales afin de disposer de plus de visibilité sur les paiements de nos partenaires et de nos salariés. Par ailleurs, le dispositif de chômage partiel n’a été utilisé que pour une seule de nos collaboratrices en France. Nous avons préféré demander à deux autres personnes, dont les activités s’étaient arrêtées, d’utiliser leurs congés payés avant ensuite de les placer en chômage partiel. Enfin, pour d’autres salariés concernés par la diminution de leur charge de travail, nous les avons réorientés temporairement vers des tâches qui nécessitaient un soutien.
Votre trésorerie a été affectée par la crise ?
Même si, au début de la crise, nous disposions d’une trésorerie de 91 millions d’euros au 31 décembre dernier au niveau du groupe, nous n’avions plus de visibilité sur la continuité de nos activités. Cela nous a donc obligés à faire preuve de prudence et à mettre en pause un certain nombre de projets, notamment ceux concernant une dizaine d’acquisitions possibles pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros et concernant notamment nos activités d’impression de photographies et celles d’édition de logiciels. Par mesure de sécurité, nous ne sommes clairement plus en mesure aujourd’hui d’envoyer des équipes discuter avec d’autres entreprises à l’international ou en France. Mais je tiens à ajouter que nous nous sommes efforcés, malgré la crise économique, à payer normalement et dans les temps tous nos fournisseurs, aussi bien nos sous-traitants que nos partenaires business, même si la chaîne de paiements s’effectue désormais à distance, nécessitant de revoir les processus d’approbation.
Aujourd’hui, où en est votre activité ?
Pour rattraper notre retard, nous relançons progressivement notre usine de personnalisation de cadeaux aux Etats-Unis, tout en sachant qu’un certain nombre de nos clients nous demanderont probablement un remboursement puisqu’ils n’auront pas été livrés à temps. Nous considérons toutefois à ce stade que cette tendance restera limitée. En France, nous avions pris la décision de confiner nos équipes (50 personnes), avant même l’annonce officielle du gouvernement. Nous leur avons, pour le moment, demandé de rester chez eux malgré le déconfinement du 11 mai.
Par ailleurs, nous sommes en train de rouvrir certains chantiers, comme celui des acquisitions, car si une crise économique est une période à risque, elle est aussi parfois l’occasion de saisir de belles opportunités.