Spécialisé dans la conception et la production de dispositifs de protection pour des sites sensibles et conventionnels, Fichet Group (130 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019) a vu son activité se réduire fortement dans les semaines ayant suivi le déclenchement de la crise sanitaire. Pour faire face à cette difficulté, le groupe a mis en place diverses mesures pour optimiser le pilotage de sa trésorerie, réduire ses coûts et optimiser ses processus industriels et financiers. Alors qu’une nouvelle année s’ouvre, le groupe entend se renforcer dans la production de solutions à très forte valeur ajoutée, pour laquelle son expertise est particulièrement reconnue, et accélérer sa transformation digitale. Julien Laforets, président de l’entreprise, revient en détail sur cette actualité.
Comment la crise sanitaire a-t-elle affecté l’activité de votre entreprise ?
Fichet Group est une ETI spécialisée dans la conception et la fabrication de dispositifs et matériels de sécurité à forte valeur ajoutée. Nous protégeons des sites sensibles et des opérateurs d’importance vitale en lien, par exemple, avec la défense ou l’industrie, ainsi que des infrastructures plus conventionnelles comme des bureaux, des agences bancaires, des universités ou des hôpitaux. Nos 800 collaborateurs sont répartis dans deux sites de production français, à Bazancourt (Marne) et Baldenheim (Bas-Rhin), et dans deux laboratoires dédiés à la recherche et au développement. Nous disposons également de plusieurs agences en France et au Benelux. Nous réalisons 80 % de notre chiffre d’affaires dans ces quatre pays, et 20 % à l’export au travers d’un réseau de distributeurs. En 2019, ce chiffre d’affaires s’est élevé à 130 millions d’euros.
En raison de la propagation de la Covid 19 et de l’instauration du premier confinement, beaucoup de nos clients ont suspendu leurs chantiers de sécurisation au premier semestre 2020. L’activité a repris progressivement au cours des mois suivants. Sur l’année 2020, nous avons enregistré une baisse d’environ 20 % de notre chiffre d’affaires.
Avez-vous eu recours aux dispositifs de soutien mis en place par les pouvoirs publics ?
Au plus fort de la crise, près de la moitié de nos salariés ont été placés en chômage partiel. Par la suite, nous avons adapté le dispositif en fonction des fluctuations de la demande.
Nous avons également sollicité un prêt garanti par l’Etat (PGE) de 14 millions d’euros auprès de nos partenaires bancaires historiques. Nous pouvions prétendre à une somme plus importante, mais avons délibérément choisi de ne pas le faire afin de limiter notre endettement. Nous avons décidé de proroger le remboursement de ce PGE d’une année supplémentaire pour nous laisser un peu plus de flexibilité, la hausse du coût du crédit induite étant, de surcroît, raisonnable.
Quelles mesures financières votre société a-t-elle prises pour faire face à la crise ?
Au début de la crise, en mars 2020, nous disposions d’une trésorerie équivalente à trois mois de chiffre d’affaires. En temps normal, ce niveau nous permet de financer sereinement notre activité à court et moyen termes, ce d’autant plus que nos carnets de commandes n’enregistrent pas de variations cycliques. Toutefois, dans un contexte aussi dégradé que celui de l’an dernier, nous avons dû prendre des dispositions pour optimiser le pilotage du cash et pour le préserver.
Dans les premiers jours du premier confinement, nous avons mis sur pied une nouvelle méthodologie de prévision à un, trois et six mois pour être en mesure de faire face plus efficacement aux fluctuations importantes de la demande et pour garantir à chacune de nos filiales des liquidités suffisantes.
Dès le mois d’avril, nous nous sommes employés à recouvrer la totalité des acomptes dus par nos clients, même lorsqu’ils reportaient leurs chantiers. Par la suite, nous avons relevé le taux de chaque nouvel acompte de 10 points en moyenne. Bien sûr, cette réévaluation a fait l’objet de négociations au cas par cas avec nos clients, négociations qui se sont globalement très bien déroulées.
Dans le même temps, nous avons lancé, avec l’aide d’un cabinet, un programme de réduction de nos coûts directs et indirects. Nous avons rationnalisé l’intégralité de notre processus achat pour mutualiser certains approvisionnements et diminuer ainsi notre base de fournisseurs. Nous avons également allégé le poids de nos frais généraux, par exemple en optimisant notre flotte automobile ou en baissant notre consommation énergétique.
A compter du deuxième semestre de 2020, ces différentes mesures nous ont permis de dégager chaque mois un supplément d’Ebitda d’un million d’euros.
Avez-vous pris d’autres initiatives en complément de ces mesures financières ?
Nous avons aménagé notre organisation. Nous avons fait évoluer notre structuration horizontale, articulée autour de directions fonctionnelles compartimentées (achats, ventes, organisation de la production, etc.) vers une structuration par lignes de produits, plus verticale. Cette organisation permet une meilleure remontée des indicateurs de performance relatifs à chacun des segments de notre activité.
En parallèle, nous avons réalisé plusieurs chantiers de digitalisation. Nous nous sommes dotés d’une nouvelle solution grâce à laquelle nous pouvons mettre à jour automatiquement nos prédictions de chiffre d’affaires selon l’évolution de nos données de facturation. Par ailleurs, nous avons développé un outil qui nous permet d’extraire et de traiter nos données industrielles plus efficacement et, ainsi, améliorer le pilotage de notre performance. La direction financière de l’entreprise a été très étroitement associée à ces deux projets.
Comment la direction financière du groupe Fichet a-t-elle travaillé ces derniers mois ?
La plupart de ses membres télétravaillent depuis l’instauration du premier confinement. Depuis un an, nous avons mis en place des points hebdomadaires avec ces équipes afin de tenir les indicateurs opérationnels le plus à jour possible. La mise en place du télétravail a été relativement facile. Les outils informatiques nécessaires ont été déployés rapidement et ce nouveau mode de collaboration n’a pas posé de problèmes majeurs.
Comment votre entreprise aborde-t-elle les prochains mois et quels seront vos principaux chantiers sur la période ?
Ces 12 derniers mois, à l’aune de la crise sanitaire et économique, nous avons mené d’intenses réflexions sur notre positionnement et notre stratégie. Nous nous sommes entendus sur la nécessité de faire évoluer l’entreprise de telle sorte qu’elle se focalise avant tout sur ses activités de conception et de fabrication de produits, dont le potentiel de développement est très important, notamment à l’international.
Très rapidement, nous renforcerons notre activité de protection des sites sensibles. La part dans notre chiffre d’affaires de ce segment doublera d’ici trois ans. Nous souhaitons accélérer dans ce domaine pour deux raisons : d’une part, parce que nos solutions de sécurisation à très haute valeur ajoutée nous permettent de dégager les marges les plus importantes ; d’autre part, parce que notre expertise est particulièrement reconnue en la matière. Bien sûr, nous continuerons d’innover dans la protection des sites conventionnels, un impératif au vu de la multiplication des menaces.
Concomitamment, nous ne développerons pas nos activités d’installation et de maintenance de dispositifs de sécurité au-delà de notre périmètre actuel en France et au Benelux, pour nous concentrer sur notre métier de fabricant. Conséquence directe de ce recentrage, nous devrons démarcher des partenaires intégrateurs capables de comprendre nos produits et d’en maîtriser les codes. Afin que ce partenariat soit le plus efficace possible, nous développerons des plateformes numériques sur lesquelles ils pourront trouver toutes les informations relatives à nos produits.
D’ici le mois de décembre, nous poursuivrons, de surcroît, les chantiers d’optimisation de nos processus amorcés l’an dernier. Alors que nous faisons face, actuellement, à la hausse du prix et à l’indisponibilité de certaines matières premières et composants, nous allons nous doter, à très court terme, d’un outil numérique de planification industrielle grâce auquel nous pourrons adapter notre production. A moyen terme, nous comptons également digitaliser la validation et le traitement de nos commandes, tout comme le référencement de toutes nos pièces détachées, afin d’en faciliter le remplacement pour nos partenaires intégrateurs.
Enfin, à plus long terme, nous projetons de réaliser des acquisitions en Europe afin de compléter notre portefeuille de produits. Nous ciblerons des entreprises de petite et moyenne taille dont le positionnement international diffère du nôtre.
En 2021, nous devrions retrouver des niveaux de chiffre d’affaires et d’Ebitda bien supérieurs à ceux de 2019. Nos exportations devraient elles aussi repartir à la hausse. D’ici à 2025, nous nous fixons un objectif de 12 % de croissance organique par an en moyenne. Cette croissance sera portée par l’augmentation des besoins de sécurisation des agents publics comme privés et par la hausse de nos exportations.