Leurs métiers étant en constante évolution, les experts de la fonction finance bénéficient chaque année de nombreuses heures de formation. Si elles s’apparentaient jadis à un temps de rencontre intra-entreprise et interentreprises, les formations sont désormais de plus en plus délivrées par visioconférence. Le tout-digital change considérablement cette activité.
Les spécialistes de la formation professionnelle sont formels : la pandémie a induit une mutation brutale des modes de délivrance des formations. Alors qu’avant 2020, près de 95 % des formations avaient lieu en présentiel, désormais, la grande majorité sont dispensées par écrans interposés. « Nous nous adaptons et nous évoluons avec le virus. Ainsi, depuis le mois de janvier 2022 et l’obligation du retour au télétravail trois jours par semaine, nous sommes à 95 % de formations délivrées à distance contre 5 % en réel, tandis qu’au cours de l’année 2021, nous étions à 40 % en présentiel et à 60 % en distanciel », détaille Carine Paugnat, directrice BU formation et conférences pour Les Echos Formation. Un constat largement partagé par Bruno Bachy, responsable offre « banque et finance », groupe Cegos. « Il faut bien avoir à l’esprit qu’avant le premier confinement, la classe à distance était marginale et représentait moins de 10 % de nos sessions. En quelques mois, nous sommes passés à 100 % de nos formations délivrées à distance, avant de revenir à un mode hybride, mêlant présentiel et distanciel. »
Des formats adaptés
Le premier confinement a ainsi pris de court de nombreux organismes de formation, dont la plupart ont purement cessé leurs formations en cours. En quelques semaines, les organismes sont parvenus à redéployer leurs supports de présentation, afin de les adapter au distanciel. Pour les formateurs, il a fallu vite se réorganiser, s’adapter à de nouveaux outils. Des changements importants qui induisent un effort redoublé pour les formateurs qui doivent vérifier que tous les participants disposent bien des codes de connexion. « Autant de nouvelles exigences qui ont amené certains formateurs à refuser de poursuivre leurs missions. Le tout-digital leur apparaissait comme une logistique trop complexe à mettre en œuvre », constate Corinne Gotin, responsable des formations gestion finance, Lefebvre Dalloz.
Du côté des participants, il a fallu revoir la forme plus que le fond : « Nous avons dû revoir nos présentations. A titre d’exemple, si un exposé en présentiel peut aller au-delà de 20 minutes, il ne doit jamais excéder les 10 minutes par visio, au risque de perdre l’attention des participants, explique Bruno Bachy. Les formations pour les fonctions finance sont très techniques. Par exemple, une formation sur la consolidation des comptes doit être encore plus rythmée à distance qu’en présentiel. Il faut sans cesse solliciter les participants et les faire interagir. » Les groupes sont également réduits : 12 en distanciel, contre 15 à 20 personnes en physique, tandis que les pauses sont plus fréquentes. Autre constat des formateurs spécialisés sur les thématiques finance : l’attention des collaborateurs est très difficile à capter par écrans interposés, plus encore que pour d’autres métiers. « A distance, il est très facile de se laisser distraire par un courriel entrant ou par un appel. C’est d’autant plus le cas chez les directeurs financiers qui sont toujours très sollicités. Si en présentiel ils osent peu interrompre une séance pour prendre un appel, c’est moins le cas à distance », déplore un formateur.
«Nous avons dû revoir nos présentations. A titre d’exemple, si un exposé en présentiel peut aller au-delà de 20 minutes, il ne doit jamais excéder les 10 minutes par visio, au risque de perdre l’attention des participants. »
La fin regrettée des échanges informels
Quelle que soit la formation financière, consolidation de comptes, credit management, gestion de trésorerie ou encore fiscalité, les formateurs essaient, autant que possible, de demander aux participants de laisser leurs caméras allumées. La pédagogie basée sur les mises en situation a été poursuivie grâce aux outils Teams ou Zoom qui permettent de fonctionner en sous-groupe. Beaucoup utilisent également Wooclap pour réaliser des sondages en temps réel et rendre les sessions plus interactives. Les participants planchent à distance par équipe avant de revenir en plénière pour le debriefing. Tous les organismes interrogés affirment qu’ils reçoivent un niveau de satisfaction à distance équivalent au niveau du présentiel. Un bémol cependant : la fin des échanges informels, notamment lors des sessions interentreprises qui réunissent des cadres appartenant à des groupes différents. « Il faut bien avoir à l’esprit que les experts de la fonction finance, et particulièrement ceux qui détiennent des postes à haute responsabilité, ont peu de temps durant leur semaine pour échanger avec leurs homologues. Aussi, lors des formations interentreprises, c’était souvent l’occasion unique pour les directeurs financiers d’échanger avec leurs pairs sur les problématiques propres à leurs fonctions. La visio empêche la création de ce lien informel », constate Carine Paugnat.
Les formations s’ouvrent en dehors de la capitale
- Il est loin, le temps où un cadre de la fonction finance de province profitait d’une formation pour s’octroyer une escale parisienne. Depuis 15 ans, l’attractivité pour les formations se déroulant à Paris décroît fortement. Un phénomène largement accéléré par la pandémie. Ainsi, depuis 2020, avec le déploiement massif des formations à distance, de plus en plus de cadres hors de la région parisienne assistent aux formations. « Nous observons de nouveaux comportements d’achat des formations. Désormais des cadres basés aux Antilles, en province ou dans d’autres régions francophones assistent à nos formations », abonde Corinne Gotin.
Des tarifs inchangés
A l’avenir, les chargés de formation n’envisagent pas revenir au tout-présentiel, le tout-digital étant désormais entré dans les habitudes des collaborateurs des entreprises. « Je pense que désormais, il est acté que les formations peuvent se faire à distance. A l’instar du télétravail, les formations à distance sont majoritairement entrées dans le quotidien des collaborateurs des entreprises », constate Bruno Bachy. Les tarifs sont en revanche restés les mêmes. « Si nos coûts sont réduits par l’absence de location de salle et de service de restauration, de nouveaux frais sont venus s’ajouter, à l’instar des licences informatiques ou encore des formations dispensées à nos formateurs. Nous avons également dû repenser nos salles en les équipant de systèmes de captation pour le son », explique Corinne Gotin. « Un temps, nous avons essayé de mettre en place des tarifs différenciés, mais c’est une véritable usine à gaz. D’autant que nous proposons désormais des formations hybrides qui permettent au dernier moment à un collaborateur qui s’était inscrit en présentiel de basculer en distanciel », constate Carine Paugnat.
Des catalogues enrichis
Quant au catalogue de formation, il s’est enrichi. Au plus fort de la crise, les entreprises ont été nombreuses à souhaiter former leurs cadres sur les problématiques de cash management. Autres contenus qui ont le vent en poupe : les opérations de LBO, les opérations de croissance externe et le M&A. « Savoir évaluer une entreprise et manager la phase post-acquisition : ces formations sont aujourd’hui très prisées », constate Carine Paugnat. Enfin, les contenus transversaux, tels que le management hybride et le management à distance séduisent les entreprises. Ainsi, pour encadrer leurs équipes à distance, les cadres se forment eux aussi par visio.