Ressources humaines

Les rémunérations variables se généralisent

Publié le 3 décembre 2021 à 10h14

Anne del Pozo

Confrontées au manque de candidats pour les postes de la fonction finance, les entreprises n’ont d’autres choix que de renforcer leur attractivité salariale. En 2022, le niveau des packages salariaux est ainsi attendu à la hausse, s’agissant aussi bien du salaire fixe que de la part variable, qui s’étend à des fonctions non managériales.

Depuis la rentrée 2021, le marché de l’emploi des cadres dans la finance est clairement sous tension (voir Option Finance n°1630). C’est notamment le cas pour ceux évoluant dans les métiers de comptabilité générale, de la consolidation ou encore ceux dotés d’une double compétence IT et Finance. « Sur ces profils, nous atteignons pratiquement le plein-emploi avec un taux de chômage inférieur à 4 % pour les cadres de la finance en Ile-de-France, souligne François-Charles Berthois practice group director chez Robert Half. Les candidats sont plus que jamais en position de force. Ils bénéficient ainsi d’un fort pouvoir de négociation, notamment sur leurs salaires. Si généralement, un candidat chassé table sur une augmentation de salaire d’environ 10 %, aujourd’hui, dans la finance, il peut envisager une hausse de 15 à 20 %. » Certains métiers seront plus particulièrement concernés par ces hausses de salaires en 2022. Selon l’étude des rémunérations 2022 de Michael Page, cela pourrait notamment être le cas pour les comptables généraux, gestionnaires de paie, comptables clients, responsables cash management ou de la trésorerie, directeurs de la transformation finance ou directeurs financiers LBO. « Par exemple le salaire fixe d’un comptable général avec trois à cinq ans d’expérience est passé d’une fourchette comprise entre 35 000 et 40 000 euros avant la Covid-19 à plus de 45 000 euros aujourd’hui, constate Yann Durand, senior manager chez Fed Finance. Sur la même période, celui d’un responsable comptable en première prise de poste est passé de 50 000/60 000 euros à 60 000/65 000 euros. »

Des entreprises pas toujours en phase avec le marché

Pour autant, les entreprises ne sont pas toujours en phase avec la réalité du marché. « Il existe clairement un delta entre la demande des candidats en termes de rémunération et ce que proposent de nombreuses sociétés qui sont restées à des niveaux de salaires d’avant crise », constate Sébastien Denis practice manager – head of BU accounting & finance – audit & expertise – CFO headhunting, chez Michael Page. En outre, à fonction égale, le niveau de salaires peut varier selon le secteur d’activité. « Ainsi, les secteurs de la banque, et globalement des services financiers, du luxe ou encore de l’industrie pharmaceutique sont généralement plus généreux que les autres », ajoute François-Charles Berthois.

Face à ce constat et alors même que certaines entreprises peinent à s’aligner sur les prétentions salariales des candidats, le recours à d’autres systèmes de compensation, dont les bonus (ou variable) tend à se démocratiser. Ainsi, au sein des équipes financières, le variable touche désormais de plus en plus de métiers. « Avant, dans les fonctions liées à la finance d’entreprise, seuls les revenus de plus de 40 000 euros par an pouvaient prétendre à un variable, explique Ludovic Bessiere, business director France et Belgique chez Hays. C’était notamment le cas pour les directeurs financiers, souvent évalués sur la base du chiffre d’affaires, de la croissance ou de l’Ebidta de l’entreprise. Ils peuvent également recevoir un bonus sur la réalisation d’objectifs personnels tels que la mise en place d’un projet digital ou le respect des délais de clôture. Aujourd’hui, ces bonus gagnent d’autres métiers de la finance et certains représentent jusqu’à 20 % du revenu annuel net. Les comptables peuvent par exemple prétendre à un variable de plus de 5 % et les contrôleurs de gestion de près de 10 %. »

«Généralement, un candidat chassé table sur une augmentation de salaire d’environ 10 %. Aujourd’hui, dans la finance, il peut envisager une hausse de 15 à 20 %. »

François-Charles Berthois Practice group director ,  Robert Half

Des objectifs en fonction du métier

Les objectifs liés à la partie variable du revenu dépendent alors de la fonction occupée. « Les comptables peuvent ainsi être évalués en fonction de la qualité du closing, du respect des délais en la matière ou encore de la fiabilité des données financière, ajoute Yann Duran. Le contrôleur financier et le contrôleur de gestion doivent pour leur part accompagner la performance de l’entreprise et être garants de la production comptable, statutaire et fiscale. Les credit managers, qui étaient déjà évalués sur, par exemple, leur taux de recouvrement de créances, voient également leur part de variable augmenter. » Certains objectifs sont également qualitatifs. Ils peuvent par exemple porter sur des valeurs telles que la bienveillance. « A cet effet, beaucoup d’entreprises travaillent sur des questionnaires de satisfaction menés en interne auprès des collaborateurs, poursuit Ludovic Bessière. Ils peuvent par exemple évaluer le niveau de satisfaction de leur relation avec la direction financière ou le responsable comptabilité client. »

Apprécié des candidats, le variable profite également aux entreprises, au-delà même de l’enjeu de la pénurie de talents. « La problématique de rétention des talents génère une forte inflation salariale à laquelle les entreprises peuvent répondre de différentes manières, dont la mise en place d’une part de variable dans le package salarial qu’elles proposent aux candidats, conclut Fabien Lucron, directeur du pôle business et développement de Primeum. L’entreprise récompense ainsi que ses meilleurs collaborateurs et, d’autre part, ne touche pas à sa masse salariale fixe. » D’ailleurs, certains variables étant liés à des objectifs quantitatifs, leur niveau peut être fixé de manière à s’autofinancer. Employeurs et employés y sont donc tout aussi gagnants.

«Les entreprises qui ne pratiquent pas le télétravail risquent de voir certains candidats leur échapper. »

Sébastien Denis Practice manager – head of BU accounting & finance – audit & expertise – CFO headhunting ,  Michael Page

La flexibilité de l’entreprise, gage d’attractivité

  • En 2022, les cabinets de recrutement se préparent à une guerre des talents dans les métiers de la finance d’entreprise. « Dans ce contexte, le package salarial (fixe et variable) ne suffit plus à attirer et fidéliser les talents dans la finance, explique François-Charles Berthois, Practice Group Director chez Robert Half. Pour y parvenir, les entreprises sont poussées à innover. » 
  • Suite à la période Covid-19, la flexibilité de l’entreprise, sa capacité à mettre en place des outils et des processus favorisant la mobilité et le télétravail deviennent des éléments d’attractivité importants pour de nombreux candidats. « Les entreprises qui ne pratiquent pas le télétravail risquent de voir certains candidats leur échapper, souligne Sébastien Denis de Michael Page. De même, les candidats sont de plus en plus attentifs aux valeurs de l’entreprise et en particulier à leur engagement environnemental et sociétal. » 
  • La qualité de vie au travail, la qualité du management, le degré de digitalisation de l’entreprise, sa localisation sont également des éléments aujourd’hui pris en compte par les candidats.

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