Les directions financières dans la crise

Nexans préserve sa trésorerie

Publié le 5 juin 2020 à 14h49    Mis à jour le 5 juin 2020 à 19h08

Anaïs Trebaul 

Gérer à la fois la crise du Covid-19 et un plan de restructuration, c’est le défi de la direction financière de Nexans. Après une importante baisse de ses résultats opérationnels en 2018, le groupe spécialisé dans la production de câbles pour différents secteurs (transports, bâtiment, énergies renouvelables, etc.) a fait évoluer sa direction et lance un plan de restructuration sur trois ans, qui est passé, en 2019, par la fermeture de plusieurs sites dans le monde.

Pour la seconde année de ce plan, perturbée par la crise sanitaire actuelle, Nexans a cherché à préserver sa trésorerie en misant avant tout sur l’optimisation de son besoin en fonds de roulement. Dans le cadre de la relance de son activité, le groupe a aussi choisi de se concentrer sur ses marchés à plus forte valeur ajoutée. 

Comment la crise sanitaire actuelle affecte-t-elle votre activité ?

Nous avons deux activités principales. Notre activité «transition énergétique» (environ 15 % de notre chiffre d’affaires) repose sur la production de câbles à haute tension. Il s’agit de projets à long terme, financés par les gouvernements des Etats dans lesquels nous intervenons, qui ne sont pas affectés par la crise actuelle. 

Notre seconde activité, qui représente environ 85 % de notre chiffre d’affaires, consiste en la production de câbles pour différents secteurs, tels que l’automobile, le ferroviaire, l’aéronautique, l’industrie, le bâtiment… Celle-ci a été la plus impactée. En avril, notre chiffre d’affaires a notamment diminué de 70 % sur les câbles automobiles par rapport à 2019, et de 40 % sur l’aéronautique. En effet, plusieurs usines de nos clients ont dû fermer pendant la crise sanitaire. De notre côté, nous n’avons fermé que ponctuellement une partie de nos sites de production, pour une durée inférieure à 15 jours. Après avoir été à 50 % de notre capacité de production en avril sur certains sites, aujourd’hui, nous en sommes à 60-80 %. Néanmoins, l’ensemble de nos usines ne sont pas touchées de la même manière. En Asie et en Australie, après une fermeture de courte durée d’une partie de nos usines, la production est déjà revenue au rythme que nous avions avant la crise. En revanche, en Europe, la reprise est plus lente et nous anticipons une deuxième vague de baisse de la production à la fin de l’année 2020 ou début 2021. 

La direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières dans ce contexte exceptionnel ?

Nous nous sommes essentiellement concentrés sur les sujets de liquidité. Désormais, nous réalisons nos prévisions de trésorerie de façon hebdomadaire, alors qu’auparavant nous ne les mettions à jour que mensuellement. Le pilotage de la trésorerie est actuellement la priorité de la direction financière. En effet, notre activité est très capitalistique et nous subissons des variations de besoins en fonds de roulement importantes. Habituellement, les six premiers mois de l’année, nous augmentons nos stocks, ce qui nous amène à consommer un niveau de cash important. Compte tenu de la crise actuelle et de notre traditionnelle faible visibilité sur notre carnet de commande (3 à 4 semaines seulement), nous avons préféré réduire notre production. En France, nous avons par exemple diminué nos stocks de 15 % par rapport à 2019 et, au Brésil, ceux-ci ont été réduits d’environ 30 %. En parallèle, nous disposons d’une centaine de références de câbles, dont certains sont complexes à produire et où la marge est faible. Nous avons donc transformé notre outil de production pour nous concentrer sur la production de câbles à plus forte valeur ajoutée. De même, nous avons choisi de nous focaliser sur nos clients les plus importants. Nous avons 17 000 clients dans le monde, mais 3 000 d’entre eux représentent 80 % de notre chiffre d’affaires et de notre marge opérationnelle. Nous avons donc souhaité renforcer nos partenariats avec ces clients. D’ailleurs, nous n’avons eu que très peu d’impayés et nous nous sommes engagés à payer nos fournisseurs dans les temps prévus. Par ailleurs, contrairement à de nombreuses entreprises, nous n’avons pas eu besoin de demander de report d’échéances de crédit car nous sommes peu endettés et nous disposons d’1,3 milliard de liquidités en réserves, soit l’équivalent d’un an de trésorerie.

En outre, début avril, nous avons choisi de suspendre nos objectifs pour 2020, car il est très difficile de prévoir notre performance dans le contexte actuel. Nous espérons pouvoir communiquer sur ces objectifs prochainement. Enfin, lors de notre assemblée générale du 13 mai, la proposition du conseil d’administration de ne pas verser de dividendes a été confirmée et il a été défini plusieurs baisses de rémunérations pour certains membres de la direction générale.

Avez-vous eu recours à des dispositifs publics ?

Pour passer la crise sans encombre, dès début avril, nous avons sollicité nos cinq banques afin de bénéficier du prêt garanti par l’Etat (PGE) pour 280 millions d’euros (sur 400 millions maximum autorisés, soit 25 % de notre chiffre d’affaires réalisé en France). Si nous pensons que nous obtiendrons ce prêt prochainement, sa négociation n’a pas été un long fleuve tranquille. Nous avons eu de nombreuses discussions et négociations principalement à propos du coût de ce prêt et des termes et conditions. En effet, malgré le discours officiel, il a été compliqué d’aligner toutes les banques. Nous devrions obtenir les fonds dans le courant du mois de juin. En parallèle, nous avons finalement eu assez peu recours au chômage partiel car peu de sites de production ont dû fermer ou pour des durées très courtes. C’est au siège du groupe que le recours au chômage partiel a été le plus important. Enfin, nous avons bénéficié d’un report de charges sociales sur le mois d’avril, qui devrait se poursuivre en mai.

Comment la direction financière de Nexans s’est-elle organisée ces dernières semaines et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?

La quasi-totalité des équipes financières basées au siège à La Défense a eu recours au télétravail. Nous commençons seulement à revenir dans les locaux, sur la base du volontariat. Globalement, nous n’avons pas rencontré de problème particulier lié au fait de travailler à distance : contrairement à ce que nous craignions, les accès aux réseaux informatiques n’ont pas été saturés et chacun a pu utiliser l’ERP du groupe depuis son domicile. Si nous n’avions pas ou peu recours au télétravail avant la crise sanitaire, nous avons pris conscience de l’intérêt de ce mode de fonctionnement et nous pourrons davantage offrir cette possibilité à nos collaborateurs. En même temps, nous réfléchissons à l’intérêt de conserver autant de mètres carrés de bureaux. 

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