Recrutement

Private equity : priorité aux experts opérationnels

Publié le 31 mars 2023 à 10h46

Coralie Bach    Temps de lecture 7 minutes

Si les fonds continuent globalement de muscler leurs équipes d’investissement, leurs recrutements vont désormais bien au-delà de ce coeur de métier. Operating partners, experts ESG et directeurs des ressources humaines viennent grossir les effectifs.

Dans un contexte moins porteur, le private equity ne cesse pas de recruter. Mais il est difficile d’en donner une image homogène. Entre les différences selon les segments de marché et les écarts de performances entre les équipes, les réalités sont plurielles, tant sur le plan financier que sur celui des recrutements. Si les fonds large caps semblent faire preuve de prudence, ceux positionnés sur les small et mid-caps ainsi que les spécialistes de l’infrastructure sont toujours assez actifs. « Plusieurs sociétés de gestion ont bouclé de belles levées l’année dernière. Elles ont mécaniquement besoin de renforcer leurs équipes pour déployer les fonds », souligne Muriel Moreau, managing partner France du cabinet Heidrick & Struggles. L’argent collecté guide en effet les recrutements, tout comme l’arrivée de nouveaux acteurs. « Nous sommes encore assez sollicités, témoigne Jonathan Luyt, manager chez Robert Walters. D’une part, car les levées de fonds ont été importantes, et d’autre part, car il y a toujours des créations de sociétés de gestion et de family offices, ainsi que des investisseurs étrangers qui s’implantent en France. Nous travaillons d’ailleurs actuellement pour deux fonds préparant l’ouverture d’un bureau à Paris. »

Ces mouvements de marché alimentent un besoin régulier de professionnels de l’investissement, notamment sur les grades les plus juniors que sont les analystes et les chargés d’affaires. Et si auparavant, il fallait accumuler a minima quatre années d’expérience au sein d’un département transaction services ou d’une banque M&A pour pouvoir postuler, il est désormais possible de le faire bien plus tôt. « Comme beaucoup de sociétés de gestion, nous avons créé il y a quelques années un grade d’analyste, indique François-Xavier Mauron, associé de l’équipe mid-cap de la société de gestion Andera Partners. Nous embauchons ainsi des jeunes diplômés, issus d’écoles de commerce, de cursus d’ingénieur, ou d’universités étrangères, dont une proportion importante d’anciens stagiaires. »

Les plus seniors, comme les directeurs d’investissement et les partners, sont quant à eux moins mobiles, le carried interest les poussant à la fidélité. Une étude menée auprès de 50 fonds par le cabinet Segalen + Associés révèle d’ailleurs une chute des mouvements des professionnels de plus de dix ans d’expérience. Si sur la période 2019-2022, 43 % d’entre eux ont changé de fonds, cette proportion tombe à 4 % sur la seule année 2022. Des évolutions sont pourtant possibles, en particulier pour les profils internationaux ou ceux bénéficiant d’une expertise sectorielle forte. « Au-delà de la technique financière, c’est la capacité à parler le même langage que les dirigeants des cibles qui est recherchée », explique la chasseuse de têtes Diane Segalen.

«Nous avons en quelques années professionnalisé et internalisé toutes les fonctions transverses, que ce soit les RH, les relations investisseurs, la finance, la compliance, l’ESG ou encore l’IT. »

François-Xavier Mauron Associé ,  Andera Partners

Des experts au service du portefeuille

Dans un contexte où la croissance se fait plus rare, les sociétés de gestion mettent également l’accent sur leurs équipes dédiées à l’accompagnement du portefeuille. La recherche d’operating partners, souvent d’anciens dirigeants ou consultants, s’intensifie tout comme celle de spécialistes de l’ESG. Entre la mise en œuvre de la réglementation sur la finance durable et le besoin d’aider les entreprises sur ces sujets extra-financiers, les recrutements de responsables ESG/RSE se sont multipliés ces dix-huit derniers mois. Hi Inov (la branche venture de la famille Dentressangle), Evolem, Apax rebaptisé récemment Seven 2, Argos Wityu, ou encore Meanings Capital Partner, tous se sont structurés sur cette dimension. « Ces fonctions continuent de se développer et de se senioriser, indique Jeanne Segalen, consultante au sein du cabinet de recrutements Segalen + Associés. Elles sont souvent assumées par des ex-consultants de cabinets de conseil, ou des anciens responsables de la compliance de grands groupes. »

Ces experts sont également très recherchés par les fonds à impact, de plus en plus nombreux sur le marché. « Nous avons beaucoup de demandes pour ces profils. L’idéal est de cumuler une casquette financière et des compétences en matière d’environnement ou de social, précise Jonathan Luyt. Mais ces candidats sont très difficiles à trouver. »

Des sociétés de gestion en quête de mixité

« La féminisation des équipes demeure une priorité pour les sociétés de gestion qui doivent notamment faire face à la pression de leurs investisseurs sur ce sujet », affirme Muriel Moreau, managing partner France du cabinet Heidrick & Struggles. Conscient de son retard, le secteur du capital-investissement s’est doté en 2020 d’une Charte Parité. Signée par près de 300 membres de France Invest, elle fixe comme objectif d’atteindre 40 % de femmes dans les équipes d’investissement, dont 25 % à des postes seniors d’ici 2030. Des proportions encore loin d’être atteintes même si la tendance est positive. Selon la dernière étude menée par France Invest et Deloitte, les femmes représentaient 27 % des investisseurs en 2021 contre 23 % en 2019. Les grades juniors sont les plus paritaires, avec 38 % de femmes, contre 17 % pour les postes d’associés. « A compétences égales, les femmes sont souvent privilégiées, souligne Muriel Moreau. Mais les candidates restent peu nombreuses, en particulier pour des postes seniors. » Les fonds tentent donc d’approcher la parité au sein de leurs équipes de chargés d’affaires et d’analystes, avec le double enjeu d’attirer les profils féminins et surtout de les faire évoluer et rester.

Un boom des fonctions support

Enfin, une grosse partie des recrutements des spécialistes du private equity porte désormais sur les fonctions support. Longtemps externalisées, celles-ci s’internalisent progressivement au gré de la croissance des sociétés de gestion et des mouvements de consolidation du marché. « Nous avons en quelques années professionnalisé et internalisé toutes les fonctions transverses, que ce soit les RH, les relations investisseurs, la finance, la compliance, l’ESG ou encore l’IT », illustre François-Xavier Mauron. Au sein d’Andera Partners, qui a vu ses effectifs croître de plus de 20 % au cours de ces douze derniers mois, la moitié des recrutements s’est effectuée en dehors des équipes d’investissement.

Les fonds devenant presque des entreprises comme les autres, ils rassemblent aujourd’hui les mêmes compétences que ces dernières. Les ressources humaines illustrent bien cette évolution. DRH de groupe et chasseurs de têtes ont depuis peu rejoint les effectifs des sociétés d’investissement. Astorg a par exemple recruté l’ex-DRH de Lafarge en 2019, tandis que PAI Partners s’est tourné vers une ancienne chasseuse de têtes de Spencer Stuart. Un club RH a d’ailleurs vu le jour début 2022 au sein de l’association des professionnels du non-coté, France Invest. « Nous réunissons près de 35 membres. Les trois quarts exercent dans une société de private equity depuis moins de deux ans », relève Laetitia Guetta, co-présidente du club, et DRH d’Andera Partners depuis 2021. Un mouvement qui s’inscrit aussi dans le contexte de guerre des talents que vivent les sociétés de gestion comme leurs participations. 

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