Ressources humaines

Télétravail : les banques françaises s’organisent

Publié le 10 décembre 2021 à 11h05

Chloé Consigny    Temps de lecture 7 minutes

Après dix-huit mois de crise sanitaire et d’alternance entre travail à distance et travail sur site, l’industrie bancaire s’organise. Alors qu’au sein de l’Association française des banques (AFB), un accord de branche est en cours de négociation, beaucoup de groupes ont d’ores et déjà adopté le leur. La mise en place a pu être complexe, nécessitant une importante réorganisation interne. A terme, un bénéfice de taille se profile : l’optimisation des locaux utilisés, permettant de réaliser de substantielles économies.

Pour les établissements bancaires, la norme est désormais au travail hybride, alternant au fil des semaines présence sur site et journées en télétravail. Si certains étaient déjà dotés d’accords avant la pandémie, a l’instar du groupe Société Générale dont le premier accord sur le télétravail a été adopté en 2016 à raison d’un jour par semaine, les accords existants ont été revisités à l’aune de la crise sanitaire. A l’exception de la banque digitale Boursorama, filiale de la Société Générale, qui a poussé les curseurs du télétravail au maximum, avec seulement deux jours de présence physique par mois requis, les autres établissements se sont majoritairement positionnés sur deux jours de télétravail par semaine. C’est le cas notamment du groupe BPCE, de la Banque Postale et de Société Générale.

Un mode « full remote » guère envisageable 

Pas question, donc, de poursuivre son activité professionnelle depuis sa maison de campagne lorsque l’on est salarié au siège d’une grande banque française. A la Banque Postale, l’accord stipule que chaque collaborateur en télétravail doit pouvoir revenir sur son site de travail à J + 1. Du côté des salariés, le « tout-télétravail » ne semble pas souhaité, assure Guillaume de Roucy, DRH du groupe La Banque Postale : « Nous avons constaté un changement très fort entre le premier et le deuxième confinement. En effet, à l’issue du premier confinement, à l’été 2020, l’engagement des collaborateurs en faveur du télétravail était massif. En revanche, dès l’automne 2020, après le deuxième, nos collaborateurs avaient très envie de revenir sur site. Nous avons donc cherché une solution équilibrée pour construire notre accord. »

Pour mettre en place le télétravail à grande échelle, il a fallu s’organiser. Le groupe BPCE a ainsi opté pour une application, élaborée en interne, qui permet à chaque collaborateur de déclarer en amont ses jours de travail à distance. « Via l’application, le collaborateur peut avoir accès aux zones de travail disponibles sur site et organiser ainsi à l’avance ses jours de télétravail et de travail en présentiel », explique Sophie Février, directrice de l’immobilier et de l’environnement de travail au sein du groupe BPCE. La Banque Postale s’est pourvue d’un système de gestion RH, tandis que Société Générale a déployé l’application Day In permettant à chacun de déclarer ses jours de télétravail. Au sein d’une même équipe, il est possible de savoir quels collaborateurs sont sur site et quels sont ceux qui ne le sont pas (télétravail ou absences).

«La réflexion autour de l’aménagement de nos espaces de travail – avec moins de bureaux individuels et davantage de flex-office – nous permet une meilleure rationalisation de notre parc immobilier. »

Coralie Bianchi Directrice adjointe des affaires sociales groupe ,  Société Générale

Des fonctions inégalement concernées

Toutes les fonctions ne sont cependant pas logées à la même enseigne. « Il faut bien avoir à l’esprit que tous les métiers ne sont pas réalisables à distance. Pour certains collaborateurs, la présence sur site est critique pour la poursuite de leur activité mais nous ne voulions pas pour autant les exclure du télétravail. Une enveloppe de quinze jours flottants de télétravail leur a été allouée », explique Guillaume de Roucy. Même son de cloche du côté de BPCE où les opérations lourdes de cash-flow restent réalisées sur site pour des questions de sécurité. Autre impératif, la présence requise de tous les collaborateurs de la fonction finance à l’occasion des closings annuels, pour nécessité de services. « Chaque business unit a adopté un rythme de télétravail qui lui est propre. Ainsi, le rythme de télétravail des fonctions RH n’est pas le même que celui de la BFI ou encore de l’IT », explique Coralie Bianchi, directrice adjointe des affaires sociales groupe chez Société Générale. La stratégie adoptée par Société Générale se veut flexible et collaborative, les jours de télétravail pouvant être déclarés à l’année, au mois, à la quinzaine ou à la semaine. En cas de mobilité interne, chaque collaborateur adopte le rythme de télétravail de sa nouvelle entité. « La réflexion a été menée à la fois au niveau du groupe – avec un accord télétravail cadre – et au sein même des équipes, afin que chaque métier puisse décider du rythme le plus adéquat. Chaque BU a planché sur la question suivante : pour quels besoins venons-nous sur site ? L’ensemble de ces réflexions est allé de pair avec une réorganisation de nos espaces de travail. Ainsi, chaque équipe a pu choisir l’organisation et le mobilier des espaces collaboratifs parmi une offre sur catalogue », poursuit Coralie Bianchi.

Quel accompagnement financier pour le télétravailleur ?

  • Au-delà des équipements prévus par les groupes bancaires, chaque accord-cadre prévoit une enveloppe à destination des télétravailleurs afin de les aider à s’équiper. C’est ainsi par exemple qu’à La Banque Postale, les collaborateurs ont reçu une allocation de 250 euros sur cinq ans, destinée à équiper leur domicile. Somme à laquelle s’ajoute une indemnité de télétravail de dix euros par mois pour un jour télétravaillé par semaine et de 16 euros par mois pour deux jours de télétravail par semaine. De son côté, la Société Générale alloue à ses collaborateurs une prime d’installation d’un montant de 150 euros.

Une réduction des coûts

Une nouvelle façon de travailler qui a un impact non négligeable sur le nombre de mètres carrés occupés par les groupes bancaires. « Cette réflexion autour de l’aménagement de nos espaces de travail – avec moins de bureaux individuels et davantage de flex-office – nous permet une meilleure rationalisation de notre parc immobilier. Nous avons par exemple arrêté les baux de certains de nos actifs immobiliers afin de nous concentrer sur d’autres », précise la directrice adjointe des affaires sociales de Société Générale. Selon les établissements bancaires, la réduction des surfaces des locaux, grâce au flex-office, serait comprise entre 20 et 40 %. C’est ainsi que le groupe BPCE Natixis s’installera dans la Tour Duo signée de l’architecte Jean Nouvel en 2022, avec un ratio de six places disponibles pour dix collaborateurs. « La mise en place du flex-office s’accompagne d’une réflexion autour de notre parc immobilier avec un recentrage sur un plus petit nombre d’immeubles. Pour le groupe, cela permet à terme une gestion optimale des espaces, une économie de coûts, mais également une réduction de notre empreinte carbone, en accord avec nos engagements RSE », souligne Sophie Février. L’optimisation des locaux est accélérée grâce à l’utilisation des outils digitaux. Ainsi l’application à destination des collaborateurs du groupe BPCE est couplée à un logiciel à destination des gestionnaires immobiliers. « Grâce à cet outil (actuellement en test dans certains immeubles), nous pouvons mesurer l’occupation effective des différents espaces. Cela va nous permettre par exemple de repenser une salle de réunion si elle est occupée en deçà de ses capacités », conclut Sophie Février. 

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