Relativement confidentielle en France jusqu’à la crise financière de 2008-2009, la dette privée a connu depuis un développement extrêmement soutenu.
« Le marché s’est structuré avec l’émergence, sur la partie non cotée, du direct lending, des unitrancheurs et, principalement sur le segment des smallcap, des mezzaneurs », décrit Diego Aponte Vargas, directeur de gestion et responsable de l’activité dette mezzanine chez Swen Capital Partners. Cette montée en puissance s’est accompagnée d’une autre tendance, plus récente, à savoir la prise en compte croissante de la thématique ESG au sein de cette classe d’actifs. « Quand nous avons commencé à nous positionner sur celle-ci en 2013, les considérations de nature ESG étaient peu présentes, voire pas du tout. Or le contexte a changé dès 2018-2019. Parmi les acteurs avec lesquels nous travaillons sur ce segment de marché, il n’y en a pas un aujourd’hui qui n’adresse pas ces enjeux ESG avec conviction », évoque Carole Zacchéo, CIO du groupe MAIF, chez qui la dette privée représente environ 6 % des actifs sous gestion.
Des projets de toutes natures
Les évolutions réglementaires n’y sont pas étrangères. Certes, les textes relatifs à la finance durable ne s’appliquent pas, pour l’essentiel, aux petites et moyennes entreprises. « Mais les investisseurs, eux, y sont soumis, ce qui les conduit à exercer une forme de pression indirecte sur ces entreprises afin d’avoir de plus en plus d’informations ESG », relate Elsa Blotière, head of sustainable investments chez Scor IP. De fait, cet aspect est fondamental. « Si nous n’avons pas accès à des données de cette nature, nous ne pouvons pas produire d’analyse ESG », poursuit Elsa Blotière. Cette vague durable touche désormais la dette immobilière, la dette d’infrastructures ou encore la dette corporate. « Quel que soit le type de projet, notre approche est identique et repose sur la sélectivité, l’intentionnalité, la pérennité et l’engagement. Nous n’investissons donc que si la stratégie RSE en face est formalisée et de qualité », complète Elsa Blotière.
Développement des ESG-linked margin ratchets
Sur un plan contractuel, le verdissement de la classe d’actifs se traduit notamment par « l’intégration de KPI extra-financiers dans la feuille de route établie avec les managers, ainsi que d’ESG-linked margin ratchets », évoque Diego Aponte Vargas. Il s’agit de quelques critères, trois à quatre en règle générale, dont le respect va entraîner pour l’émetteur une bonification de sa marge, et le non-respect de l’application d’un malus. « L’idée, c’est vraiment de travailler ensemble, de faire le maximum pour que la société puisse créer de la valeur financière et extra-financière », insiste Diego Aponte Vargas. Pour de nombreux professionnels, la prochaine étape devrait porter sur le développement de l’impact, qui est « vraiment la forme la plus aboutie de l’ISR », selon Carole Zacchéo.