Innovation for Finance

Optimisation du BFR et gestion de trésorerie

Publié le 7 juillet 2023 à 11h25

La fin des aides de l’Etat et le début des remboursements des PGE exposent de nombreuses entreprises à des risques de défaillances. Plusieurs d’entre elles ont, à ce titre, fait des demandes de rééchelonnement ou de prolongement de la période de remboursement. Dans ce contexte marqué par l’inflation et la remontée des taux, et alors même que les défaillances d’entreprises reviennent à des niveaux pré-Covid, les entreprises disposent de différents moyens pour optimiser et financer leur besoin en fonds de roulement (BFR).

Le contexte actuel d’inflation et d’augmentation des prix, conjugué aux difficultés d’approvisionnement, renforce le besoin en fonds de roulement des entreprises. « Des tensions de trésorerie concomitantes avec une remontée des taux d’intérêt, ce qui complexifie actuellement les démarches des entreprises qui entendent renégocier leur crédit ou lever de nouvelles sources de financement », explique Frédéric Piolti, associé June Partners. Il existe néanmoins des solutions pour améliorer son besoin en fonds de roulement et le financer.

Optimiser le besoin en fonds de roulement

«La première solution consiste à mettre en place des plans d’action et à instaurer la culture cash dans l’entreprise, afin de diminuer le BFR, de mieux négocier avec ses clients les conditions et délais de paiements, de réduire les stocks, et de sécuriser les approvisionnements sans supporter les stocks », rappelle Frédéric Piolti. « L’une des premières sources de financement du BFR, c’est avant tout d’optimiser son BFR et donc d’avoir une gestion saine de son poste client », insiste pour sa part Sophie Susterac, directrice marketing et communication de Factofrance. « Le suivi des factures, des encaissements et des paiements est un prérequis indispensable à une bonne gestion de trésorerie », poursuit Pierre Pelouzet, médiateur national des entreprises, ministères de l’Economie et des Finances. Au-delà des bonnes pratiques de gestion du besoin en fonds de roulement, il existe également différentes solutions de financement du BFR. Le poste client est ainsi aujourd’hui celui qui est le plus simple à financer. « A cet effet, l’affacturage est un produit qui apporte une certaine souplesse et qui permet également de déconsolider, mais également le Dailly », ajoute Frédéric Piolti.

Financer le poste client par l’affacturage

L’affacturage représente actuellement l’une des principales sources de financement à court terme des entreprises. Contrairement aux idées reçues, l’affacturage est d’ailleurs, avant tout, une source de financement pour des entreprises qui sont en croissance. « 95 % de nos clients se tournent vers l’affacturage pour financer leur besoin en fonds de roulement, gage qu’ils sont en pleine croissance », précise ainsi Sophie Susterac. « Certaines (plus rares) y recourent également pour des logiques de placement, pour répondre à des stratégies de présentation des comptes ou encore pour ajuster des trésoreries par rapport à des prévisions qui ont été faites », ajoute pour sa part Gilles Million, chargé de mission affacturage à l’AFDCC. Pour toutes ces entreprises, l’affacturage est d’autant plus intéressant qu’étant adossé aux créances clients, il ne pèse pas sur le taux d’endettement des entreprises.

Les factors proposent alors plusieurs solutions d’affacturage : d’abord, l’affacturage « confidentiel » pour lequel le factor fera un audit du poste client pour savoir quelles créances il va acheter et ce qu’il va financer. Ensuite, l’affacturage « classique », où le client est notifié de la mise en place du contrat d’affacturage. La société d’affacturage aura alors un rôle structurant pour l’entreprise. « Pour des entreprises plus structurées, avec notamment des géographies complexes, la titrisation revient aussi sur le devant de la scène », poursuit Frédéric Piolti. Enfin, le reverse factoring qui consiste à payer et à régler ses fournisseurs plus rapidement. « Le paiement fournisseur anticipé (reverse factoring) permet aux grands donneurs, qu’ils soient publics et privés, d’aider le financement de leurs fournisseurs, notamment les TPE, PME précise Pierre Pelouzet. Cet outil collaboratif permet à tout le monde (le client, le fournisseur et l’organisme de financement) de trouver de la trésorerie avec un risque bas sur des volumes qui peuvent être très importants. » Cette démarche est également vertueuse pour les entreprises qui travaillent avec des petits fournisseurs stratégiques. Cela permet de sécuriser la chaîne fournisseur.

Enfin, les stocks représentent également un levier d’optimisation du BFR. Néanmoins ce poste reste le plus complexe à financer, car il est parfois compliqué de le valoriser et de le rendre liquide. « Il existe néanmoins certaines solutions telles que le gage “champ des possessions”, ou en termes de montage avec des fiducies ; cependant, elles restent souvent complexes à mettre en place », précise Frédéric Piolti.

Les outils pour limiter l’impact des variations de taux

Au-delà du financement du BFR, il est également possible de mettre en place des dispositifs pour limiter l’impact des variations des taux d’intérêt tels que les caps, qui permettent de bloquer les taux d’intérêt des prêts avec les banques, ou les swaps qui pour leur part permettent de passer d’un taux variable à un taux fixe. « En 2021, ces dispositifs m’ont coûté 250 000 euros, précise Xavier Cruchet, directeur financier d’Ingredia Dairy Experts. Ils m’ont néanmoins protégé de la hausse des taux de 2022. Sans ces dispositifs, mes crédits bancaires m’auraient coûté quasiment 300 000 à 400 000 euros de plus. »

Capter les dispositifs d’aides de l’Etat

Il est également possible d’aller capter des dispositifs d’aides de l’Etat ou de subventions. Il est par exemple possible de mobiliser des obligations Relance qui ont pour objectif de renforcer le bilan des entreprises françaises et la situation financière des PME et ETI. « Il s’agit d’un produit assez spécifique qui n’est pas forcément adossé à du BFR, mais qui peut être intéressant, en cette période, à aller chercher », poursuit Frédéric Piolti. Au-delà des partenaires bancaires traditionnels, il existe également de nombreux financeurs potentiels désintermédiés et dont les lignes de financement sont adossées à des sûretés qui peuvent être des actifs BFR. La BPI, enfin, peut également être sollicitée, notamment pour les entreprises qui travaillent avec des clients de la sphère publique.

Faire évoluer la construction de son prévisionnel

D’autre part, les crises qui se sont succédé ces derniers mois, l’inflation ou encore la variation des taux ont incité les trésoriers à faire évoluer leur façon de construire leur prévisionnels de trésorerie.

« Leur cycle de travail a changé, entraînant une évolution des processus et une transformation des systèmes, souligne pour sa part Eric Gayno, product marketing manager, BU Finance, chez Cegid. Il n’est en effet plus possible de se limiter à faire un budget annuel et de recalculer un atterrissage tous les trimestres. » Pour faire leurs prévisions de trésorerie, les entreprises peuvent recourir à une méthode directe, qui consiste à préparer des tableaux de trésorerie à partir d’un budget prévisionnel, ou à une méthode indirecte qui se base sur les flux de trésorerie. « Cette dernière, davantage déployée en ce moment, permet à l’entreprise d’être plus réactive », ajoute Eric Gayno. Dans le cadre de cette démarche, La Poste a par exemple créé un datalake finance qui permet de générer et mutualiser toutes les données achats et comptabilité, les indicateurs extra-financiers, etc. « Cette même donnée est réutilisée, partagée par les différents métiers de la finance, dont les trésoriers, pour accélérer le rythme des prévisions et faire qu’elles soient le plus fiables possible, notamment sur les lignes de trésorerie à très court terme, poursuit Yann Coupris, direction de la transformation des solutions finances de La Poste. Ça n’empêche pas de croiser ensuite des données de contrôle de gestion sur des prévisions à moyen terme. Le recours à l’intelligence artificielle est également une aide à la prévision. »

Vers une progicialisation des processus de prévision de trésorerie

Pour autant, les ETI sont encore un peu loin de trouver de la valeur dans des datalakes ou dans l’intelligence artificielle. Aujourd’hui les entreprises sont très peu équipées en termes de gestion de prévision de trésorerie. « 60 % d’entre elles travaillent encore avec Excel qui, de manière assez standard, diffuse des templates de collectes de données et les consolide en central en éliminant les intercos, en gérant les devises, précise Eric Gayno. Pour affiner leurs prévisions de trésorerie, les entreprises ajoutent de l’analytique dans leurs fichiers Excel. Malgré tout, elles ne passent pas assez de temps à analyser la qualité des prévisions ». Dès lors que la culture cash augmente, il devient donc intéressant de progicialiser ce processus de gestion des prévisions. « Cela permet aux entreprises de gagner en productivité et de passer plus de temps à analyser ces données qu’à produire, ajoute Eric Gayno. Cela améliore la traçabilité des données. La data et l’exploitation d’axes analytiques aident également les financiers à comprendre où leurs prévisions sont fausses et où elles peuvent être améliorées. »

Cette progicialisation va s’accélérer dans les mois à venir. Une dynamique portée par des éléments économiques, le réglementaire et la technologie. Il est certain que la facture électronique et notamment l’e-reporting vont permettre aux entreprises d’avoir des prévisions de meilleure qualité et de mieux gérer leur cash. « Beaucoup d’entreprises ont encore une maille assez grosse en termes de prévisions de trésorerie et n’alimentent pas leurs prévisions d’encaissements et de décaissements avec une granularité au niveau de la facture, précise Eric Gayno. C’est ce que la facturation électronique va leur permettre de faire. L’e-reporting, donc le statut de la facture, permettra également d’avoir un statut en temps réel de la facture dans l’ERP. »

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