IT et Finance - Expertise

Le gouvernement maintient le cap de la réforme sur la facturation électronique

Publié le 22 novembre 2024 à 11h00

Anne Del Pozo    Temps de lecture 8 minutes

La réduction du périmètre fonctionnel du portail public de facturation n’est pas sans impacts juridiques et réglementaires sur les spécifications de la réforme mais aussi sur les entreprises et l’ensemble de l’écosystème. Elle va néanmoins dans le bon sens et devrait contribuer au succès de la mise en place de cette réforme.

« L'information circulait depuis plusieurs semaines et attendait la formation du nouveau gouvernement pour être validée, explique Christophe Viry, directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix. Nous pensions que le nouveau ministre de l’Economie et des Finances prendrait la parole à l’occasion du congrès de l’ordre des experts-comptables, mais finalement la nouvelle est tombée par voie de communiqué de presse le 15 octobre en fin de journée : le gouvernement renonce à faire de son portail public de facturation une plateforme (PPF) de dématérialisation. Depuis le début du projet, le développement du PPF posait problème. Ses coûts ont régulièrement augmenté et la réforme a été reportée à deux reprises notamment pour laisser le temps aux plateformes d’être prêtes. L’administration a cette fois préféré tenir l’échéance mais réduire le périmètre fonctionnel du PPF. »

Un PPF au périmètre fonctionnel réduit

Initialement, le PPF avait pour vocation de mettre à la disposition de l’écosystème un annuaire d’interopérabilité, de faire office de concentrateur des données de facturation, de transactions et de statuts, et enfin, de proposer un portail de facturation gratuit avec des services néanmoins annoncés comme limités. « Cette troisième fonctionnalité est finalement abandonnée », précise Christophe Viry. Au-delà de son coût de développement, l’administration estime en effet que la présence d’une plateforme gratuite proposée par l’Etat n’est plus nécessaire au succès de la réforme, au regard de l’écosystème des PDP, suffisamment robuste et dynamique pour prendre en charge cette mission. » Bercy a ainsi réussi le pari de l’architecture en Y. Aujourd’hui, plus de 70 PDP sont immatriculées provisoirement malgré la concurrence possible d’une plateforme gratuite, et la DGFiP annonce même une centaine de PDP d’ici fin 2024.

Une annonce impactante à différents niveaux

Le retrait du PPF en tant que plateforme de dématérialisation n’est cependant pas sans conséquences. Il impose une révision réglementaire. Le décret de la réforme sur la facturation électronique (ainsi que l’arrêté, qui devait par ailleurs être publié), fait en effet référence au rôle du PPF. Cette mise à jour réglementaire est annoncée pour 2025 et pourra être l’occasion d’autres simplifications et de nouvelles modalités.

D’autre part, les spécifications techniques externes du PPF, n’étant plus exploitables en l’état, vont devoir être révisées. Une prochaine version de ces spécifications est attendue pour cet automne et pourrait d’ailleurs initier la mise à jour réglementaire en supprimant les références au PPF et à son fonctionnement. Cela va libérer et simplifier plusieurs sujets qui étaient tributaires de l’héritage de Chorus Pro, de l’obligation de compatibilité ascendante et des contraintes du coût et calendrier de l’équipe Projet facture électronique.

Le nouveau contexte réactualise par ailleurs la nécessité de gouverner l’interopérabilité fonctionnelle (et non simplement technique) entre les PDP. Dans le cadre de cette démarche, l’Etat doit nécessairement tenir son rôle en concertation avec le FNFE et les PDP, et pourrait s’appuyer sur une autorité Peppol locale. Il est en effet nécessaire de standardiser plusieurs sujets pour garantir le succès du déploiement et fixer un référentiel de fonctionnalités identiques entre les PDP. Cette norme serait alors idéalement reprise comme référentiel d’audit de conformité des PDP.

Enfin, la réalisation du pilote attendue sur le second semestre 2025 ne pourra se tenir dans les conditions de tests initialement prévues. Ce pilote devait en effet être orchestré autour d’un PPF considéré comme une plateforme de validation des cas d’usage ou des échanges en circuit A ou B, ce qui n’est désormais plus le cas. L’administration a donc fait état d’une phase pilote réduite au périmètre des services annuaire (en janvier 2025) et déclaration (en janvier 2026).

Au-delà de ces impacts juridiques, sur les spécifications et les phases pilotes, la suppression de ce service gratuit impacte également tous les acteurs qui programmaient de s’appuyer sur le PPF pour se mettre en conformité. C’est notamment le cas de certaines entreprises, mais dans une proportion limitée. En effet, 78 % des entreprises ont déjà prévu de se tourner vers une PDP (étude Generix, juin 2024) tandis que la plupart des petites entreprises devraient être embarquées par leur partenaire de gestion (expert-comptable, banques, éditeur de logiciel, etc.). En revanche, les opérateurs de dématérialisation (OD) sont impactés plus fortement et vont devoir choisir une PDP rapidement. Le service d’immatriculation des PDP s’attend d’ailleurs à une vague nouvelle de demandes d’immatriculation d’OD devenant PDP, principalement en marque blanche.

« Le succès de la réforme repose en effet sur la capacité des PDP et des OD à embarquer les quelque 7 millions d’assujettis, conclut Christophe Viry. Avec plus de 70 PDP, plusieurs services sont déjà annoncés avec des offres gratuites et cela cachera toujours un modèle économique : start-up en recherche de valorisation, utilisation des données clients, contrepartie à l’usage d’autres services (compte pro par exemple), volumes et fonctions limités… En synthèse, cette décision était nécessaire du côté de l’administration pour poursuivre la réforme et respecter son calendrier de mise en œuvre. Elle n’impactera que très partiellement les entreprises déjà accompagnées par leur prestataire. Elle va donc dans le sens du succès de la réforme. »

Questions à… Christophe Viry, directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix

Generix est-il un acteur historique de la facturation électronique ?

La facturation électronique est l’un des métiers historiques de Generix. Notre première offre en la matière date de 1995 et notre première solution SaaS de 1999. Depuis, nous n’avons eu de cesse que de faire évoluer nos solutions au rythme du développement des nouvelles technologies mais aussi des réglementations sur le sujet. A la veille de la réforme actuelle sur la facturation électronique, dont la principale nouveauté repose sur sa dimension obligatoire pour toutes les entreprises, Generix comptait déjà 2 700 clients. Présent dans une dizaine pays dont la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Roumanie mais aussi le Canada, le Brésil et à Hong Kong, Generix ambitionne de devenir le leader européen de la facture électronique.

Quel est le positionnement de Generix sur la facturation électronique ?

Au travers de sa solution, Generix adresse en direct les grandes entreprises nationales et internationales ayant d’importants volumes de facturation. En France, nous comptons ainsi parmi nos clients des entreprises comme Total, Safran, EDF, BNP, Casino, Thales, Essilor, Geodis, Publicis ou encore Renault. Pour adresser les entreprises de plus petites tailles, nous travaillons également avec des partenaires revendeurs, opérateurs de dématérialisation (OD), PDP en marque blanche ou encore réseaux d’experts-comptables comme In Extenso ou Fiteco. D’autre part, pour répondre au mieux aux attentes de tous nos clients, notre solution est en conformité avec la réglementation française sur la facturation électronique mais également avec celle de près de 70 autres pays. Nous proposons également d’accompagner les entreprises dans la digitalisation de tous leurs processus comptables (gestion du rapprochement, de l’imputation comptable, des fraudes, des litiges, des paiements et financements, etc.). Notre solution embarque par ailleurs des technologies d’intelligence artificielle pour analyser les data sous différents angles (comme les délais de paiement, retards de paiement, moyens de paiements, etc.), et de machine learning pour corriger certaines problématiques comme les erreurs d’imputation comptable.

Generix s’investit également dans la construction et la promotion de la réforme ?

Generix est en effet dans le groupe restreint des coconstructeurs de la réforme, aux côtés de l’AIFE, la DGFiP et du FNFE, et fait également parti de la Communauté des relais qui rassemblent différents acteurs liés à l’écosystème de la facturation électronique. A ce titre, Generix est actif dans la construction de la réforme, mais également dans sa promotion auprès des entreprises, au travers notamment d’actions de communication ou grâce à la participation à des webinaires sur ce sujet.

Dans la même rubrique

Obligations corporate : une année faste pour le marché euro, moins pour les émetteurs français

Tous compartiments confondus, les émissions corporate euros ont progressé de 32 % en 2024, à 456...

Marchés actions : un bilan positif malgré un second semestre atone

Après un début d’année encourageant, le marché primaire actions est retombé en France dans l’atonie...

M&A : une reprise poussive après deux années difficiles

L’hémorragie semble enfin stoppée sur un marché du M&A qui souffre depuis plus de trois ans, avec...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…