Depuis l’accord sur le climat de Paris en 2015, une offre très importante d’indices « climatiques » a été mise à la disposition des sociétés de gestion, de sorte qu’il existe aujourd’hui une très large gamme d’ETF purement indiciels, parmi lesquels se trouvent les indices CTB (Climate Transition Benchmark) ou PAB (Paris Aligned Benchmark).
Les ETF peuvent-ils entrer dans le cadre d’une stratégie net zéro ?
" L’objectif des indices PAB et CBT consiste à rediriger les flux vers des entreprises plus vertueuses et à apporter de la clarté et de l’homogénéité dans le monde des indices bas carbone", indique Geoffrey Mazmanian, responsable Europe continentale de la clientèle institutionnelle pour FTSE Russell, LESG. Les produits PAB et CTB ont eu beaucoup de succès. Introduites en 2020, les stratégies climatiques PAB et CTB ont conquis, en moins de trois ans, plus de 30 % des assets. « Un succès dû à la performance ainsi qu’à la qualité des données qui, bien qu’imparfaites, se sont quand même bien améliorées par rapport à il y a cinq ou dix ans, explique Giancarlo Fragomeno, ETF product specialist chez Franklin Templeton. Avec les outils à notre disposition, nous pouvons regarder ce que les sociétés produisent aujourd’hui et modéliser leurs émissions futures, ce qui permet de les aligner avec certains scénarios (1,5 ou 2,5 ou 4 degrés de réchauffement climatique). D’autre part, les stratégies CTB et PAB sont appliquées à 100 % à des assets. Enfin, les produits ETF actions, PAB ou CTB ont un coût de 0,10 ou 0,30 % par an, donc ils sont peu chers, surtout par rapport à des stratégies actives. »
Financer l’innovation
Au-delà des points d’étape pour atteindre le net zéro, il y a également des horizons d’investissement différents.
« Le financement de l’innovation passe souvent d’abord par le venture capital, avant d’arriver sur le marché actions et sur le marché obligataire », précise Tina Radovic, global head of credit research, HSBC Asset Management. Il y a quand même un moyen formidable et qui est pour le coup spécifique au marché obligataire de financer ce net zéro et la durabilité, ce sont les obligations labellisées, et notamment les green bonds. » Pour que la finance puisse s’impliquer, il lui faudra des données fiables. « Il faut être capable de quantifier pour pouvoir surveiller, c’est ce qui nous permettra de financer le net zéro, poursuit Tina Radovic. Nous avons également notre propre engagement net zéro. »
Financer l’industrie verte
Fin octobre 2023, une loi sur l’industrie verte portée par Bercy a été adoptée. Elle a pour ambition de réindustrialiser la France, notamment avec des entreprises décarbonées. Cette loi comprend également un important volet financement, au travers de subventions, certes, mais aussi de financements privés, via des investisseurs institutionnels et des clients retail.
« Pour accélérer la réindustrialisation en France il doit y avoir une combinaison entre des financements publics et des financements privés, ainsi qu’une vision globale et européenne pour optimiser les gains de compétitivité, explique Sylvain Makaya, partner, asset-based finance chez Eurazeo. C’est la raison pour laquelle nous avons monté un premier fonds de financement des PME industriels de 340 millions d’euros avec l’aide du Fonds européen d’investissement et de bancassureurs français et européens. Nous veillons à ce que les outils de production ainsi financés soient décarbonés et le moins énergivores possible. » « En tant que société de gestion d’actifs cotées, financer l’industrie verte, c’est d’abord se poser les questions sur ce qu’on fait sur l’industrie brune, ajoute de son côté Adrien Dumas, directeur des investissements chez Mandarine Gestion. Nous avons ainsi fait le choix en termes de financement, côté obligataire, de ne plus financer aucun projet émetteur sur la partie brune. Sur la partie action, on va plutôt l’accompagner. A cet effet, nous analysons comment les entreprises intègrent ces dimensions dans leurs stratégies à moyen-long terme. Parallèlement, nous avons déployé progressivement des produits qui répondent exactement à ce sujet de l’industrie verte et de la réindustrialisation. »
Comment capter les investisseurs ?
Pour capter une clientèle institutionnelle grands corporates, banques, assureurs, family offices et les pousser à investir sur des fonds industriels green, les labels peuvent être un atout. « Le plus connu actuellement est le SFDR9, précise Sylvain Makaya. Pour verdir l’industrie, attirer des institutionnels ne suffit pas et il faut aussi faire appel à l’épargne des Français et à l’épargne européenne. ». « Les labels Greenfin et ISR permettent de cocher des cases sur certains aspects, mais dans l’ensemble, les distributeurs ont énormément développé leur façon d’analyser fondamentalement la capacité de transparence d’un produit et la légitimité ou la solidité d’un process de gestion, précise pour sa part Adrien Dumas. A partir du moment où on a un cahier des charges qui est très contraignant, très sélectif, on peut répondre au cahier des charges de tous les labels locaux. »
Avant tout, il faut mettre en place des politiques et une stratégie commune d’industrialisation verte en Europe mais aussi des incitations financières et fiscales. Il faut par ailleurs sanctionner les entreprises qui ne jouent pas le jeu de l’industrie verte, et enfin, il faut mesurer pour savoir où on en est des différentes étapes d’industrialisation et de verdissement de l’industrie.
Financer les énergies renouvelables
Le marché des ENR est actuellement en très forte accélération. La capacité de production d’énergie renouvelable a augmenté de 50 % dans le monde en 2023, selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie.
« Aujourd’hui, la transition énergétique est en forte croissance et de nouveaux business models émergent, analyse Nicolas Rochon, fondateur et président de R’Green Invest. La transition énergétique n’a pas pour seul objectif de sauver la planète. Elle sert aussi l’indépendance énergétique, un enjeu géopolitique majeur ». « Ces dernières années, nous avons vu une très forte accélération de projets que nous pouvons financer en dettes, constate Bérénice Arbona, responsable dette infrastructure, chez LBP AM. Cette accélération côté dettes se vit encore plus en termes de besoins d’investissement que du côté de l’equity. Ce sont des besoins d’investissement qui sont considérables. Aujourd’hui, nous mettons en place des stratégies qui sont entièrement dédiées à la transition énergétique. ».
Dans quelles technologies investir ?
Dans l’énergie, il y a eu pendant quelques millénaires le bois, puis après, c’est passé au charbon, puis le pétrole, puis plus ou moins le nucléaire dans certains pays. Désormais, ça passe au renouvelable, soulevant d’énormes besoins. « Chez Sosteneo nous sommes focalisés sur le stockage et sur les réseaux, déclare Umberto Tamburrino, associé gérant, CEO et CIO Europe, Sosteneo Infrastructure Partners (Generali Investments). L’objectif de ces technologies consiste notamment à mettre l’énergie à la disposition de l’utilisateur final quand il en a besoin et non quand il y a du vent et du soleil. ». R’Green Invest de son côté, après avoir fait du solaire et de l’éolien investit désormais dans de nouveaux business models, pour pouvoir accueillir des électrons verts sur le réseau, sur le stockage, etc. « Chez Neoen, nous avons décidé de nous concentrer sur du solaire de grande taille, de l’éolien terrestre et des batteries », indique Xavier Barbaro, CEO Neoen. " De notre côté, nous essayons de financer toutes les énergies renouvelables en nous focalisant sur les opérations sur lesquelles nous trouvons le meilleur couple risque-rendement", précise Umberto Tamburrino.
Comment investir dans le renouvelable ?
« Aujourd’hui, si on investit dans un business, il faut que cela soit économiquement viable, que cela offre une solution pour le consommateur et la population, explique Nicolas Rochon. Pour que cet investissement soit durable quand on est une infrastructure, il doit être en ligne avec l’ESG car c’est ce qui fera notre prime stratégique à la sortie ». « Nous devons financer des business models profitables et durables, conclut Bérénice Arbona. C’est la double vertu de l’investissement dans des énergies renouvelables et des énergies renouvelables durables ».