Le chantier est immense : face au changement climatique, le Programme des Nations unies pour l’environnement a estimé fin 2023 que les sommes à investir par les Etats devraient être « 10 à 18 fois plus importantes que les flux financiers publics internationaux actuels ».
Si ce constat vaut pour l’ensemble des pays, les souverains émergents sont les principaux concernés : l’Agence internationale de l’énergie évalue leurs besoins à quelque 2 000 milliards de dollars chaque année d’ici 2030 pour tendre vers la neutralité carbone d’ici 2050.
Des classes d’actifs différentes
Dans ce contexte, les opportunités affluent pour les gérants dans les économies émergentes. « En tenant compte des instruments de type green bonds, sustainability bonds, etc., le vivier d’investissement disponible est en train de croître, confirme Nathaële Rebondy, head of sustainability Europe chez Schroders. En devises locales, il représente aujourd’hui près de 40 milliards de dollars et près de 30 milliards en devises “dures”, montants auxquels s’ajoutent 40 milliards relatifs aux émetteurs supranationaux. De quoi permettre de constituer des portefeuilles suffisamment diversifiés. » Karim Carmoun, président de Robeco France, partage cet avis. « L’investissement durable dans les pays souverains n’en est qu’à ses débuts, il y a beaucoup de choses à faire. » L’approche à mettre en œuvre pour identifier les projets étatiques les plus responsables, d’une part, et pour allouer les capitaux vers les Etats qui en ont le plus besoin, d’autre part, n’est toutefois pas simple. Déjà, « les obligations souveraines d’économies développées comme la zone euro et les obligations souveraines émergentes sont en réalité de deux classes d’actifs différentes », prévient Laurent Deborde, directeur des investissements groupe, direction finance, risques et investissements d’Aéma Groupe. Ce faisant, la grille d’analyse dépend de caractéristiques propres à chaque pays. Le choix de l’instrument émis par l’Etat en question a également une influence. « On va faire une distinction entre les green bonds, par exemple, pour lesquels nous disposons d’un fléchage en amont des capitaux et de la façon dont ils vont être utilisés – avec en sus des tiers indépendants qui vont valider le process et ensuite aider à la réalisation du reporting –, versus les sustainability-linked bonds, pour lesquels nous n’avons pas ce cadre et cette réassurance », insiste Nathaële Rebondy.
Concilier ESG et ODD
Mais au-delà de ces spécificités, les gérants s’appuient sur une base commune. « Le cadre de gouvernance est extrêmement important pour les investissements d’impact, de même que la transparence », insiste Nathaële Rebondy. « Un pays dont la gouvernance serait mauvaise ou, en tout cas, médiocre, et qui va se détériorer dans le temps pourrait ne pas être un bon investissement d’un point de vue risque-rendement », corrobore Karim Carmoun. D’autres indicateurs importent, tels que « la contribution aux institutions internationales, les dépenses d’éducation et le traitement des réfugiés », selon Nathaële Rebondy, mais aussi « l’engagement exprimé par les Etats de s’attaquer de manière vraiment crédible au changement climatique et à la protection de la nature », d’après Karim Carmoun.
Pour s’en assurer, certains investisseurs adoptent une approche croisée entre notation ESG et objectifs de développement durable (ODD), comme chez Robeco. « Les deux vont de pair et sont même complémentaires, estime Karim Carmoun, car ils vont respectivement permettre de gérer les risques et de rechercher l’impact positif. »