Par un arrêt du 2 avril[1], le Conseil d’Etat précise qui est redevable de l’impôt sur la plus-value de cession de titres démembrés par suite d’une donation, en cas de remploi des fonds. Ceci dépend essentiellement de ce dont les parties sont convenues lors de la donation, qui doit donc être rédigée avec le plus grand soin.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats.
Deux contribuables ont effectué au profit de leurs enfants une donation-partage de la nue-propriété de titres de société dont ils ont conservé l’usufruit. Deux ans plus tard, la société procède au rachat de ces titres. A cette occasion, la nue-propriété et l’usufruit des titres sont cédés simultanément, sans répartition du prix de vente. La plus-value est déclarée et l’impôt payé par les enfants, nus-propriétaires.
A l’issue d’un contrôle, l’administration estime que la plus-value aurait dû être taxée entre les mains des usufruitiers. Les contribuables contestent ces rectifications et, après avoir perdu devant le tribunal administratif, obtiennent gain de cause devant la CAA de Versailles[2].
Celle-ci juge que lorsque « le produit retiré de la vente est remployé pour l’achat d’autres titres sur lesquels nue-propriété et usufruit se reportent dans les mêmes conditions que sur le bien aliéné, la plus-value réalisée est imposable exclusivement entre les mains du nu-propriétaire ».
De fait, l’acte de donation prévoyait bien que, en cas de cession des titres, « le produit de la vente serait reporté dans les mêmes conditions que sur les titres cédés ».
Dans ce cas, la plus-value est taxable dans les mains du nu-propriétaire au motif que c’est lui qui est réputé céder les titres et qui, lorsque l’usufruit s’éteindra, en aura la pleine propriété.
Pour la cour, la seule circonstance que la donation prévoyait une clause de remploi suffisait donc à fonder l’imposition de la plus-value entre les mains des nus-propriétaires.
Il aurait pu en aller autrement si les parties avaient entendu constituer sur les fonds retirés de la cession un quasi-usufruit au profit des parents, ce qui aurait alors rendu la plus-value taxable entre leurs mains, mais tel n’était manifestement pas leur intention.
Cependant, cette analyse était contredite par les termes mêmes de la donation, qui conféraient de larges prérogatives aux parents.
Ainsi que le relève le Conseil d’Etat, pour déterminer le redevable de l’impôt en de telles circonstances, il convient de prendre en compte les prérogatives respectives des parties sur les conditions dans lesquelles seront remployés les fonds tirés de la cession, ce dont la CAA n’avait, semble-t-il, pas suffisamment tenu compte dans son analyse.