L’administration fiscale avait prévenu les contribuables et leurs conseils : les commentaires sur la clause générale anti-abus en matière d’impôt sur les sociétés introduite à l’article 205 A du CGI seraient concis et n’auraient pas vocation à lister les cas dans lesquels ce nouveau dispositif pourrait, ou non, être mis en œuvre. Elle a tenu parole ! Par une actualité datée du 3 juillet dernier, elle apporte quelques éclaircissements sur son interprétation du texte et son articulation avec les autres dispositifs anti-abus, mais de nombreuses questions demeurent.
Par Jean-Charles Benois, avocat associé, et Sarah Dardour-Attali, avocat counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
La clause générale anti-abus (la «CGAA») inscrite à l’article 205 A du CGI consiste dans la transposition dans le droit interne français d’une règle anti-abus énoncée par une directive européenne, applicable uniquement en matière d’impôt sur les sociétés, et qui permet de remettre en cause les effets fiscaux d’un montage ou d’une série de montages ayant été mis en place afin d’obtenir à titre d’objectif principal un avantage fiscal contraire à l’intention de l’auteur du texte invoqué. Ce texte s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, y compris à l’égard de montages réalisés au cours d’exercices antérieurs mais encore ouverts à contrôle.
Ce nouveau dispositif est très proche de la notion d’abus de droit que comprenait déjà le droit interne français, étant toutefois relevé que l’objectif fiscal considéré doit être «principal» pour le nouveau dispositif et non «exclusif», de sorte que la CGAA devrait avoir un champ d’application sensiblement plus large.
1. Champ d’application de la clause générale anti-abus
La portée potentiellement très large de la CGAA comme les différences terminologiques entre les multiples dispositifs anti-abus existants (actes vs. montages ; principal vs. exclusif ; etc.) appelaient nécessairement certaines précisions de l’administration fiscale pour définir les contours de ce texte.
L’administration s’y attelle partiellement, avec des positions retenues qui prêtent plus ou moins à discussions.
L’apport principal de ces commentaires sur le périmètre de la CGAA est probablement la précision selon laquelle la notion de but «principalement» fiscal est à rapprocher de celle de but «essentiellement»...