Par Vincent Agulhon, avocat, Darrois Villey Maillot Brochier.
Par sa décision Marks & Spencer en 2005 (C-446/03), la Cour de justice de l’UE a considéré que les régimes nationaux d’intégration fiscale peuvent exclure de leur champ d’application les filiales établies dans un autre Etat membre et ainsi interdire la déduction de leurs pertes, afin notamment d’éviter une double déduction et de préserver la cohérence des systèmes fiscaux nationaux. Mais elle a également jugé qu’il en va différemment des pertes des mêmes filiales étrangères qui sont devenues définitives et ne peuvent plus être efficacement utilisées dans l’Etat de résidence de la filiale : l’Etat membre du groupe d’intégration fiscale doit alors en admettre la déduction sur les bénéfices des entités membres du groupe. Depuis lors, les contribuables et praticiens, à la recherche d’une définition précise du concept de pertes étrangères définitives, sont ballottés de décision en décision par la CJUE et les juridictions nationales dans un processus de construction jurisprudentielle particulièrement laborieux.
Du côté des juridictions nationales, le débat se concentre pour l’instant entre le TA de Montreuil et la CAA de Versailles, prenant en compte les indices livrés peu à peu par la CJUE, et notamment la condition selon laquelle les contribuables doivent démontrer non seulement qu’il ne leur est pas permis d’utiliser eux-mêmes ou de transférer juridiquement les déficits fiscaux à un autre contribuable, mais également qu’ils ne peuvent pas les monétiser à l’occasion d’une cession...