Par une décision SAS Ingram Micro du 13 janvier, le Conseil d’Etat vient de confirmer qu’était constitutif d’un abus de droit l’ensemble d’opérations par lesquelles une société avait procédé à une distribution massive de réserves au profit d’un actionnaire étranger et concomitamment émis des obligations remboursables en actions (ORA) souscrites par le même actionnaire par compensation avec la créance de distribution.
Par Vincent Agulhon, avocat associé, Darrois Villey Maillot Brochier
La haute juridiction confirme ainsi les décisions de première instance et d’appel ainsi qu’un avis rendu en février 2011 par le comité de l’abus de droit fiscal dans une situation proche (avis n° 2010-12). On comprend l’intérêt fiscal d’une telle opération, les intérêts servis sur l’ORA étant déductibles du résultat fiscal de la société française dans les conditions et limites usuelles. Est-ce à dire que toute distribution aux actionnaires financée par endettement serait critiquable ? Il n’en est rien et le Conseil d’Etat profite de cet arrêt pour rappeler opportunément que la cour d’appel «n’a pas entendu juger que le choix de financer une distribution de dividendes en recourant à l’emprunt était, en lui-même, constitutif d’un abus de droit».
Cette précision, qui fait écho à une précédente décision dans l’affaire Pharmacie Saint-Gaudinoise de financement par endettement d’un rachat de titres, confirme que le choix de l’endettement plutôt que du capital n’est pas critiquable par nature. La véritable motivation des juges est à rechercher dans le choix de l’instrument utilisé par la société : les ORA sont un instrument de dette qui, à terme, se transformera nécessairement à nouveau en capitaux propres. L’opération critiquée avait donc pour effet de générer temporairement la déduction de charges financières à raison de sommes dont la société conservait à tout instant la disposition et qui n’étaient que temporairement converties en endettement par un pur jeu d’écritures...