Une décision rendue par le Conseil d’Etat1 apporte une réponse qui était attendue par les contribuables comme par les banques qui acquièrent des créances d’impôt en utilisant notamment le mécanisme de la cession « Dailly » prévu par les articles 323-23 et suivants du Code monétaire et financier, par exemple pour des créances de TVA ou de CIR.
Dans cette affaire, la SA Suez avait cédé à la Société Générale sa créance de précompte mobilier en considérant que la variation de l’actif net résultant du produit de la cession n’était pas imposable à l’impôt sur les sociétés. Elle fondait cette non-imposition sur le fait que le précompte n’était symétriquement pas déductible de ses résultats. Le tribunal de Montreuil avait d’abord considéré que le contrat de cession Dailly constituait pour la société cédante un emprunt jusqu’à ce que les créances de précompte indu soient reconnues certaines et liquides2. Cette solution semblait induite par une décision du Conseil d’Etat selon laquelle les intérêts résultant d’une opération d’escompte, enregistrés dans ses comptes par le remettant, rémunèrent un crédit consenti par le banquier escompteur et constituent donc une charge déductible pour le remettant3.
En revanche, dans le contentieux relatif à la SA Suez, la cour d’appel de Versailles avait jugé que la cession Dailly n’est pas un emprunt jusqu’à ce que les créances de précompte soient reconnues certaines et exigibles mais la cession d’un droit mobilier incorporel pour lequel les parties ont convenu d’un prix de cession ; la cour voyant dans l’absence de remboursement ultérieur et de versement ou de comptabilisation d’intérêts la preuve de l’absence d’emprunt4.
Cette dernière lecture soulevait des interrogations notamment par ce qu’elle s’opposait aux recommandations des autorités comptables5 selon lesquelles la cession d’une créance future n’est pas reconnue comme un produit compte tenu de l’incertitude de celle-ci et dès lors doit être analysée comme un moyen de financement octroyé par le cessionnaire.