A l’occasion de six décisions simultanées du 26 février 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé les notions de bénéficiaire effectif et d’abus de droit dans le contexte de l’application des directives européennes intérêts et redevances (DIR) et mères/filiales (DMF) à des sociétés holdings européennes intermédiaires dont les actionnaires ultimes étaient non-membres de l’Union.
Par Antoine Colonna d’Istria, avocat associé, Norton Rose Fulbright
La CJUE s’est fondée sur la notion de bénéficiaire effectif telle que détaillée dans les principes posés par l’OCDE dans son modèle de convention fiscale et ses commentaires pour juger que cette notion exclut les sociétés relais et doit être entendue, non pas dans une acception étroite et technique, mais dans un sens qui permette à la fois d’éviter la double imposition mais aussi de prévenir la fraude et l’évasion fiscale. Dès lors, seules les entités qui bénéficient réellement des intérêts versés par une société européenne sur le plan économique et qui disposent alors du pouvoir d’en déterminer librement l’affectation peuvent se prévaloir des dispositions de la DIR exonérant de retenue à la source lesdits intérêts.
En outre, la Cour a souligné que le principe d’interdiction des pratiques abusives est un principe général du droit de l’Union qui s’applique indépendamment du point de savoir si les droits et les avantages dont il est abusé trouvent leur fondement dans les traités, dans un règlement ou dans une directive. Dès lors, l’application dudit principe ne serait pas soumise à une exigence de transposition.
La CJUE fournit des indices visant à guider les juridictions nationales dans l’appréciation de l’existence d’un abus de droit. Elle observe ainsi que le fait que des intérêts sont reversés, en totalité ou en quasi-totalité et dans un bref délai suivant leur perception, par la société qui les a perçus, à des entités qui ne répondent pas aux conditions d’application de la DIR constitue un tel indice.