Avec le passage de l’ISF et l’IFI, la possibilité de déduire de l’assiette de l’impôt certaines sommes perçues à raison d’une rente ou d’une pension, que le législateur voulait voir bénéficier d’une exonération fiscale, a disparu. Il peut en résulter une augmentation sensible de l’impôt. Cette situation vient d’être corrigée par voie doctrinale.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
L’ISF ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble du patrimoine des contribuables, sauf exonération particulière, le législateur avait pris soin d’en exclure «la valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie» (art. 885 K du CGI). Cette exonération avait été étendue notamment aux indemnités perçues en réparation de persécutions subies pendant la dernière guerre.
L’exonération de la valeur de capitalisation de ces pensions était parfaitement logique : pas plus que leur perception ne constitue un revenu, elles ne sauraient constituer un «capital» taxable puisqu’elles sont versées en compensation de la réparation d’un préjudice immatériel.
La Cour de cassation en avait déduit logiquement, dans un arrêt de 1990, que le montant actualisé des sommes déjà perçues à ce titre pouvait être déduit de l’assiette de l’ISF, sur le fondement de l’égalité devant l’impôt1.
On comprend bien le raisonnement suivi par la Cour : ces sommes ayant vocation à s’employer notamment dans la constitution de capital, mobilier ou immobilier, ne pas les déduire de la valeur de celui-ci aurait conduit en définitive à les taxer, contrairement à ce que prévoyait l’article 885 K précité.
L’administration fiscale en avait bien tenu compte en intégrant dans sa doctrine la possibilité d’opérer une telle déduction2.
Avec la suppression de l’ISF ces dispositions ont disparu et elles n’ont pas été reprises dans les textes régissant l’IFI, qu’il s’agisse de la loi ou des instructions administratives.
Ceci répond à une certaine logique mais on pourra néanmoins le regretter.
La non-reconduction de l’article 885 K dans le cadre de l’IFI est logique puisque cette imposition ne s’applique qu’aux biens immobiliers.
La valeur de capitalisation des rentes étant exclue de son champ d’application, il n’est donc plus utile de neutraliser celles versées en réparation d’un dommage corporel.
Pour autant, les sommes versées «en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie» peuvent bien évidemment être employées à l’acquisition de biens immobiliers qui, eux, entrent dans le champ d’application de l’IFI.
L’équité voudrait donc que le montant actualisé des sommes déjà perçues à ce titre reste déductible de l’assiette de l’IFI comme il l’était de celle de l’ISF.
Sur le fondement des textes législatifs applicables à l’IFI, cela n’était plus possible puisque l’arrêt de la Cour de cassation qui l’avait permis avait été rendu sur le fondement d’un texte aujourd’hui abrogé.