La Cour de cassation semble être revenue sur sa jurisprudence en jugeant que, lorsqu’ils cherchent à s’informer sur des opérations de gestion pour lesquelles ils envisagent d’agir ut singuli, les actionnaires doivent recourir à l’expertise de gestion prévue à l’article L. 225-231 du Code de commerce, plutôt que solliciter une mesure d’instruction in futurum.
1. La cohabitation historique de l’expertise de gestion et des mesures d’instruction in futurum
Prévue au bénéfice des actionnaires de sociétés par actions (C. com., art. L. 225-231 pour les sociétés anonymes, art. L. 226-1 pour les commandites par actions et L. 227-1 pour les sociétés par actions simplifiées), l’expertise de gestion permet à des actionnaires disposant ensemble d’au moins 5 % du capital social, après une phase d’échanges préalables avec les dirigeants sociaux, de solliciter en référé une mesure d’expertise portant sur des opérations de gestion.
Le rapport d’expertise établi à l’issue de cette procédure est mis à la disposition des requérants et des organes de direction, mais aussi de tiers à la procédure (ministère public, CSE, commissaires aux comptes et associés). Naturellement, même si le texte ne le précise pas, ce rapport peut servir aux actionnaires dans le cadre d’une action ut singuli.
Le recours à ce mécanisme peut s’avérer périlleux : la recevabilité de l’action sur ce fondement nécessite une phase amiable préalable et un taux de détention difficile à atteindre, en particulier dans les sociétés cotées. En outre, le juge ne peut ordonner une expertise de gestion que s’il considère que les réponses écrites apportées par les dirigeants n’étaient pas satisfaisantes, et si le demandeur démontre des présomptions d’irrégularités ou un risque d’atteinte à l’intérêt social (Cass. com., 28 janv. 1992, n° 90-16.748 ; Cass. 1re civ., 16 déc. 1992, n° 91-11.127 ; Com. 10 déc. 2013, n° 12-24.232).
C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’expertise...