Aux termes de l’article 238A du CGI, les charges payées ou dues par une personne domiciliée ou établie en France à une personne domiciliée ou établie dans un pays où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ne sont déductibles fiscalement que si le débiteur apporte la preuve qu’elles correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne présentent pas un caractère exagéré.
Par Antoine Colonna d’Istria, associé, Norton Rose Fulbright
Le Conseil d’Etat vient de préciser dans deux décisions du 24 avril 2019 (n° 413129, CUIF ; n° 412284, Gemar Lumitec) les éléments de preuve incombant à l’administration permettant d’établir l’existence d’un régime fiscal privilégié, et notamment lorsque c’est l’organisme financier tenant le compte sur lequel ont été versées les sommes litigieuses qui est établi dans un Etat à régime fiscal privilégié.
Dans la première affaire, une société française s’assurait auprès de l’une de ses filiales établie aux Antilles néerlandaises des risques professionnels étrangers, et lui versait des primes d’assurance dont la déductibilité était remise en cause par l’administration. Celle-ci déduisait du taux d’imposition des sociétés des Antilles néerlandaises, compris entre 2,4 % et 6 % (soit bien moins que la moitié du taux de l’impôt sur les sociétés en France), le caractère privilégié du régime fiscal.
Le contribuable soutenait d’une part qu’une simple différence de taux ne saurait démontrer l’existence d’un tel régime à défaut de toute précision sur l’assiette et observait, d’autre part, que les entreprises d’assurances en France sont soumises à des règles d’assiette particulières.
Il est de jurisprudence constante depuis l’arrêt Auriège (n° 53002, 21 mars 1986) que la comparaison entre le régime fiscal français et le régime considéré comme privilégié doit consister à déterminer, pour l’administration, quelle aurait dû être la charge fiscale effectivement supportée par l’entreprise située dans l’Etat étranger si elle avait été établie en France par rapport à celle qu’elle a supportée.