Depuis plusieurs années, le statut juridique de l’AMF pose question lorsqu’elle intervient devant la cour d’appel de Paris dans le cadre des recours qui sont formés à l’encontre de ses propres décisions individuelles, conformément à l’article L. 621-30 du Code monétaire et financier, alors même que cette intervention – facultative – est expressément prévue par l’article R. 621-46 dudit code. La Cour de cassation vient de prendre une position surprenante à ce sujet.
Par Frank Martin-Laprade, avocat associé, Jeantet.
Lorsque le recours porte sur une décision individuelle du régulateur prise en matière de sanction, une telle intervention de l’AMF, à savoir la personne morale au nom de laquelle une amende et/ou une mesure disciplinaire a été prononcée par son organe de jugement, peut sembler porter atteinte aux principes d’égalité des armes et d’impartialité de la juridiction d’appel, garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
1. L’analogie naturelle avec la jurisprudence relative au CVV
C’est en tout cas l’opinion d’une partie de la doctrine qui raisonne par analogie avec la jurisprudence de la première chambre civile de la cour de cassation, rendue en matière de décisions de sanction prises par le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV), aux termes de laquelle il a été décidé que « l’exigence d’un procès équitable, au regard des principes d’égalité des armes et d’impartialité du juge, impose qu’une juridiction disciplinaire de première instance ne soit pas partie au recours contre ses propres décisions »1.
Par voie de conséquence, la première chambre civile a cassé l’ensemble des décisions prises par la juridiction d’appel, saisie d’un recours dirigé contre une décision de sanction rendue par le CVV, qui avait statué au vu des observations déposées par cette entité disposant de la personnalité morale (comme l’AMF) et dont la formation collégiale réunissant seulement certains de ses membres (comme l’AMF) a la capacité de prononcer des sanctions (comme l’AMF) pouvant ensuite faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris (comme l’AMF).