Le Conseil d’Etat rappelle les critères de l’acte anormal de gestion dans le cas, assez rare, où était en cause la déduction d’intérêts versés au titre d’un prêt participatif contracté auprès d’une entreprise non liée et non assorti d’une sûreté.
1. Rappel de la définition de l’acte anormal de gestion
On sait que la déduction de certaines dépenses est expressément exclue : cas, par exemple, de l’impôt sur les sociétés et des charges « somptuaires ».
Pour les autres, sont déductibles des bénéfices imposables, en tant que « frais généraux », les dépenses qui remplissent les trois conditions suivantes :
1° se rattacher à la gestion normale de l’entreprise et être exposées dans l’intérêt de l’exploitation ;
2° entraîner une diminution de l’actif net de l’entreprise ;
3° constituer une charge effective (comptabilisée comme telle) et être appuyées des justifications suffisantes.
La première condition est d’appréciation délicate car elle se heurte à un autre grand principe de la fiscalité, la non-immixtion de l’administration dans la politique de l’entreprise, principe posé pour la première fois par le Conseil d’Etat dans une décision du 7 juillet 1958 n° 35-977 dans les termes suivants : « Le contribuable n’est jamais tenu de tirer des affaires qu’il traite le maximum de profits que les circonstances lui auraient permis de réaliser. » Ainsi, l’administration ne peut être juge de l’opportunité des décisions de gestion des entreprises. On notera d’ailleurs qu’après avoir admis la condamnation des actes traduisant un « risque excessif », le Conseil d’Etat a abandonné sa jurisprudence en ce sens (CE, 13 juillet 2016, n° 375801, SA Monte Paschi Banque). Mais l’administration comme le juge sont en droit de refuser la déduction de charges qui reflètent un acte anormal de gestion.
Il s’agit alors de sanctionner un acte qui, sans pouvoir être justifié par l’intérêt de l’exploitation commerciale de l’entreprise, met une dépense ou une perte à la charge de celle-ci ou la prive d’une recette.
Plus précisément, selon la définition apportée par le Conseil d’Etat, dans une décision adoptée en formation solennelle de plénière fiscale, l’acte anormal de gestion est « l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt » (CE, plén. fiscale, 21 décembre 2018, n° 402006, Sté Croë Suisse).
On retrouve dans cette définition :
– un élément objectif (« s’appauvrir ») : l’administration doit démontrer que l’entreprise s’est appauvrie ;
– et un élément intentionnel (« décide ») : l’entreprise doit avoir eu conscience d’agir contre son propre intérêt.
L’administration n’a toutefois pas à prouver...