Le 3 mai 2023, le Conseil d’Etat a rendu une décision mêlant abus de droit et acte anormal de gestion. Cette décision, tout en stabilisant les conditions d’application de ces mécanismes dans un contexte international, invite également à s’interroger sur la solution d’une telle espèce dans le cadre des règles anti-hybrides entrées en vigueur le 1 janvier 2020.
1. Le contexte et la procédure
En 2008, la société française Parilease, spécialisée dans les opérations de crédit-bail, a conclu deux contrats de cession-bail avec les sociétés allemandes Bayer Schering Pharma AG et Heidelberger Druckmaschinen AG portant sur des immeubles nus sis en Allemagne et affectés à leurs activités respectives.
La conclusion de ces contrats s’est traduite, dans un premier temps, par la cession de l’usufruit des immeubles au profit de la société française pour des durées de 15 et 18 ans. La société Parilease a immédiatement remis l’usufruit des immeubles aux sociétés allemandes dans le cadre de contrats de crédit-bail d’une durée de 10 ans. En contrepartie de la jouissance de l’usufruit, la société Parilease recevait des « loyers » sous la forme de mensualités.
Considérant que les « loyers » devaient recevoir la qualification de revenus immobiliers au sens de l’article 3 de la convention franco-allemande du 21 juillet 1959, la société Parilease n’a pas déclaré ces revenus en France (ces derniers n’étant en principe imposables qu’en Allemagne, lieu de situation des immeubles).
De son côté, l’administration fiscale allemande, considérant que ces revenus devaient être regardés comme des revenus financiers uniquement imposables en France, au sens de l’article 10 de la convention, n’a pas imposé ces revenus en Allemagne.
L’administration fiscale française a remis en cause cette opération par application de la procédure de répression des abus de droit prévue par l’article L. 64 du Livre des...