Le Conseil d’Etat, dans une décision importante puisque rendue dans sa formation contentieuse la plus élevée, l’Assemblée du contentieux, vient de revisiter la question de l’articulation de la garantie contre les changements de doctrine instituée par l’article L. 80A du LPF et de l’abus de droit de l’article L. 64 du LPF (1).
Par Antoine Colonna d’Istria, avocat associé, Norton Rose Fulbright
Dans son avis Société de distribution de chaleur de Meudon et Orléans (SDMO) rendu le 8 avril 1998 (2), la haute assemblée avait refusé que l’administration puisse faire échec à la garantie de l’article L. 80A du LPF en recourant à la procédure de l’abus de droit, sous réserve que le contribuable se soit strictement conformé aux termes mêmes de l’instruction ou de la circulaire. Depuis 1998, l’article L. 64 du LPF a été modifié afin d’intégrer dans la définition de l’abus de droit la jurisprudence Janfin concernant la fraude à la loi (3) et a ajouté le terme «décisions» aux «textes» seuls visés jusqu’alors. L’administration fiscale s’appuyait donc dans cette affaire sur cet ajout pour revenir sur la jurisprudence SDMO et être ainsi autorisée à redresser sur le terrain de l’abus de droit les contribuables qui, tout en faisant une application littérale d’une doctrine administrative, auraient outrepassé les intentions de ses auteurs.
Le montage, dans l’affaire en cause, semblait tellement grossier que le service n’a pas eu grand-peine à convaincre les juges de l’artificialité de l’opération. Le contribuable avait acquis 1,053 % du capital de la société Balmain à laquelle il vendit quelques semaines plus tard, en partant à la retraite, tous les titres de son entreprise. Entre-temps, s’apercevant de sa maladresse, il revendit suffisamment de titres Balmain ainsi acquis à une société civile intermédiaire, contrôlée par un proche collaborateur, afin de réduire sa participation dans...