La Cour juge que les plus-values sur valeurs mobilières doivent être imposées selon les règles en vigueur à la date de la cession, nonobstant le fait que, par suite d’un échange de titres, elles aient pu faire l’objet d’un report d’imposition1.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
Ainsi l’article 8 de la directive «fusion»2 prévoit-il expressément que l’attribution de titres à l’occasion d’un tel échange «ne doit par elle-même entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values».
Pour autant, ceci n’interdit pas aux Etats membres d’imposer la plus-value lors de la cession ultérieure des titres reçus lors de l’échange, sur la base du prix d’acquisition initial des titres apportés à l’échange.
La France a transposé ces dispositions dans sa législation nationale, en prévoyant toutefois que la plus-value d’échange pouvait, dans certains cas, faire l’objet d’un «report» d’imposition.
Le Conseil d’Etat en a déduit qu’en pareilles circonstances, il convenait de considérer que l’échange de titres avait eu pour effet de «cristalliser» la plus-value constatée à cette occasion3, ce qui emportait deux conséquences :
– d’une part le montant de la plus-value est alors déterminé «ne varietur» ;
– et, d’autre part, l’imposition de la plus-value doit s’effectuer selon les modalités applicables au moment où l’échange est intervenu.
Cette seconde conséquence pouvait s’avérer particulièrement pénalisante pour les contribuables ayant effectué de tels échanges, pour des raisons parfaitement légitimes, notamment en cas de changements législatifs.
Ainsi on se souvient que l’intégration des plus-values dans le barème de l’impôt sur le revenu (à compter de 2013) a été tempérée par l’application d’un abattement pour durée de détention.
Or ce tempérament a été refusé pour l’imposition de plus-values d’échange placées en report avant 2013, au motif que cette modalité d’imposition n’existait pas lors de l’échange, raisonnement validé par le Conseil constitutionnel4.
De la même façon avait-on refusé l’exonération des plus-values réalisées lors de cessions intrafamiliales5.
Il était permis de s’interroger sur la compatibilité de ces décisions avec la directive précitée.
Cette question avait été posée à la Cour dans la situation de contribuables qui, ayant réalisé des plus-values placées en report d’imposition, avaient transféré à l’étranger leur résidence fiscale. La cession des titres en cause étant intervenue postérieurement à ce transfert, on pouvait s’interroger sur la possibilité de taxer cette plus-value en France.
La Cour a répondu à cette question en jugeant que l’article 8 de la directive ne permettait pas de soustraire la plus-value d’échange au droit, acquis à l’Etat où elle avait été constatée, de l’imposer6.