Dans un arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation répond méthodiquement sur la marche à suivre.
Une salariée employée dans un bar à ongles a été licenciée pour faute grave, l’employeur lui reprochant de nombreuses irrégularités concernant l’enregistrement et l’encaissement en espèces.
La salariée a contesté son licenciement et obtenu gain de cause, les preuves invoquées par l’employeur, notamment les enregistrements issus de la vidéosurveillance ayant été déclarés irrecevables.
1. Le problème juridique
L’employeur peut-il prouver le vol et l’abus de confiance d’une salariée en produisant les enregistrements d’une vidéosurveillance clandestine ?
2. Que faut-il retenir ?
Devant le juge social, l’employeur ne peut utiliser à l’appui d’un licenciement disciplinaire que des preuves obtenues loyalement et à l’aide d’un procédé licite.
S’il installe une vidéosurveillance, il doit, avant de pouvoir utiliser les enregistrements, informer les salariés de l’utilisation d’un tel dispositif (C. trav. art. L. 1222-4) et, conformément au RGPD (art. 13), de la ou des finalités assignée(s) au dispositif et de la base juridique le justifiant. Il peut s’agit par exemple de la sécurité des biens ou du contrôle de l’activité des salariés.
Il doit également informer, s’il existe, le CSE (C. trav. art. L. 2312-38).
En l’absence de l’une de ces informations, l’enregistrement est considéré comme illicite et ne peut, a priori, être utilisé comme moyen de preuve (Cass. soc. 20 sept. 2018, n° 16-26.482).
Toutefois, si le dispositif sert à assurer la sécurité des biens et/ou d’un magasin, la jurisprudence admet que l’employeur ne soit pas soumis à ces obligations d’informations et puisse s’en servir comme élément de preuve (Cass. soc., 18 nov. 2020, n° 19-15.856).
Il convient de rappeler par ailleurs que si le système de vidéosurveillance filme un lieu ouvert au public, celui-ci devra être autorisé par le préfet du département (C. Séc. Int. Art. L. 223-1 et s., L. 251-1 et s.).
En l’espèce, faute d’avoir satisfait à ces obligations, ce mode de preuve était illicite.
Pour autant, depuis un arrêt AFP du 25 novembre 2020 (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 17-19.523), le juge peut, sous certaines conditions, être amené à passer outre l’illicéité apparente d’un mode de preuve et l’admettre aux débats.
Comme le rappelle la Cour de cassation dans le présent arrêt (n° 21-17.802 FS-B), le juge doit « apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».