L’introduction de la révision pour imprévision a incontestablement été une mesure-phare de la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance du 10 février 2016.
Par Bruno Dondero, of counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Le nouvel article 1195 du Code civil permet de solliciter du juge la résiliation ou la modification du contrat dont l’exécution est devenue «excessivement onéreuse» à cause d’un «changement de circonstances imprévisible». A ainsi été introduite en droit français une atteinte au principe de l’intangibilité du contrat tel que les parties l’ont initialement voulu et conclu. En attendant de connaître les premières applications judiciaires de cette institution et de savoir si nos tribunaux seront audacieux ou non dans son maniement, il est intéressant de s’interroger sur son champ d’application.
Potentiellement tous les contrats
Tous les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 sont potentiellement concernés, dès lors que l’article 1195 du Code civil figure parmi les dispositions du droit général des contrats. Les rédacteurs de l’ordonnance de 2016 ont voulu formuler des principes généraux, intemporels et universels, dans la lignée des dispositions rédigées en 1804. Mais ces nouveaux textes généraux prennent place dans un système complexe, où de nombreux contrats spéciaux sont régis par des textes spécifiques ; la révision pour imprévision pourrait venir troubler l’équilibre que ces textes spécifiques ont voulu instituer.
Le contrat de travail est un exemple, l’employeur pouvant en théorie solliciter du juge une réduction des salaires devenus trop lourds à honorer. D’autres contrats pourraient aussi prendre le chemin du tribunal : le contrat de crédit que le prêteur trouvera trop difficile de maintenir ou que l’emprunteur aura des difficultés à rembourser, le contrat d’assurance pesant trop lourd dans les comptes de l’assureur, le bail devenu excessivement onéreux, et ainsi de suite.